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dimanche, décembre 09, 2012

Le syndrome du réverbère


Faut-il chercher ses clefs égarées en pleine nuit sous le réverbère, où la lumière facilite la recherche,
ou explorer toutes les directions au risque de devoir tâtonner un peu ?

Premier exemple, les politiques d’innovations. A juste titre, la figure de l’entrepreneur est au
centre des débats. Moins celle de son cousin germain, « l’intrapreneur », qui transforme une
idée en projet à l’intérieur d’une entreprise existante. Et pourtant, dans de nombreux secteurs,
la réussite de la France repose sur le second plus que le premier, tel que celui des technologies
vertes « industrielles », nécessitant des milliards d’investissements et la masse critique mondiale
d’une grande entreprise. De même, la compétitivité du modèle industriel « fabs, labs and advices »,
repose sur la combinaison d’innovations technologiques, de procédé et de services propres aux
offres des grandes entreprises. Impossibles sans intrapreneurs, ces innovations constituent la seule
alternative au modèle « fabless » d’entreprises industrielles à la production délocalisée dans les pays
à faibles coûts. C’est enfin à des intrapreneurs que l’on doit de nombreuses innovations telles que le
monospace, le transistor ou les post-it.

Et pourtant, quelle reconnaissance pour l’intrapreneur ? Récompensé par son employeur s’il
découvre un vaccin contre la malaria, il sera plus taxé que celui qui revend un site érotique. Et
les propositions telles de recentrage du crédit-impôt recherche sur les entreprises nouvelles
entraineraient l’exil d’une partie d’entre eux.

Deuxième exemple, le financement des entreprises. La situation est grave : avant la crise, la somme
des prêts aux entreprises de la zone euro augmentait de 600 milliards d’euros par an. Désormais, les
nouveaux prêts ne font que compenser ceux arrivés à échéance. Les entreprises d’Europe ont ainsi
perdu 600 milliards de nouveaux financements, soit l’équivalent de l’ensemble des dépenses de R&D
en Europe, privées ou publiques, ou trois fois le PIB Grec. De la même façon, les levées de capital
investissement ont été divisées par 4, et les introductions en bourse par plus de trois.

Or l’affacturage, c’est-à-dire le financement des factures, qui permet aux entreprises de recevoir
immédiatement les fonds d’une facture payable à terme, est l’une des seules sources de financement
à croître malgré la crise, de plus de 17 % entre 2008 et 2010. Peu visible dans les débats sur le
financement, il représente désormais un volume comparable aux levées de fonds du capital
investissement ou aux introductions en bourses. Une entreprise en difficulté peut en bénéficier si elle
dispose de clients solvables. Les TPE, soit la majorité des 3 millions d’entreprises en France, peuvent
en bénéficier sans formalités excessives, alors que moins de 100.000 bénéficient des outils publics de
financements des PME.

Pour accélérer l’affacturage, il ne faut pas chercher loin le client qui représente à la fois le risque
– et donc le coût de financement - le plus faible et qui pourrait proposer au plus grand volume de
fournisseurs un paiement accéléré de ses factures : c’est le secteur public. Ses achats représentant
plusieurs dizaines de milliards par an, l’apport de financement aux entreprises serait significatif,
même si seule une minorité des fournisseurs publics y recourraient. Contrairement à d’autres
mesures d’appui au financement, proposer l‘option pour le Paiement Immédiat de l’Etat (PILE) ne
coûterait rien au contribuable. Elle serait accessible simplement pour les entreprises, et relativement
rapide à mettre en œuvre, indépendamment des évolutions engagées pour faire évoluer les
paiements publics, qu’elle pourrait également accompagner.

samedi, juillet 12, 2008

Le 21e siécle sera institutionnel et moral, ou ne sera pas !

Tout le monde, ou presque, s'accorde à penser qu'une économie harmonieuse suppose un bon équilibre entre deux objectifs contradictoires. D'une part, la prospérité économique (disons, le niveau du PIB même s'il s'agit d'une mesure perfectible). D'autre part, l'équilibre social (plus difficile à définir, qui contient à la fois les conditions de vie les plus pauvres, l'égalité des chances, le fait que les inégalités de conditions de vie ne soient pas disproportionnées par rapport aux efforts de chacun, le niveau de confiance que chacun peut avoir dans ses concitoyens, ou ...).

Une autre façon de dire les choses consiste à dire que l'argent ne fait pas le bonheur, et qu'une nation florissante doit permettre à ses concitoyens d'avoir de l'argent, mais aussi autre chose. Mais comment parvenir à cet équilibre ?

Une première école de pensée suppose que les deux peuvent être séparés : au secteur privé de fournir la prospérité économique, l'Etat et le secteur non lucratif (groupes religieux, famille, relations de voisinages...) de fournir le reste. Ils notent par ailleurs qu'en raison de la concurrence (entre entreprises d'un même pays, ou entre entreprises nationales plus "sociales" et entreprises étrangères moins soucieuses du bien-être social du pays qui achète leurs produits), il serait difficile pour les entreprises d'être trop sociales, le consommateur choisissant généralement la moins chère, et les actionnaires (ou les futurs retraités pour leur retraite par capitalisation) choisiront d'investir dans les entreprises les plus rentables.

Une deuxième école note considère qu'économie et société sont indissociables, ce qui impose notamment que les entreprises devant faire preuve de responsabilité sociale. Elle notent que les consommateurs sont capables de "faire la différence" s'ils sont correctement informés sur les conséquences sociales de leurs achats.

Comme toujours, la réalité si situe entre les deux :
- il est vrai que la concurrence pose des limites en matière sociale, mais ces limites dépendent du secteur (une partie du secteur des services est contraint à une concurrence très locale) et des réglementations (la fiscalité, les cotisations sociales ou les normes peuvent être différents d'un pays à l'autre) ;
- il est vrai que les produits équitables ou les investissements éthiques connaissent un certain succès, mais il reste très limité en ampleur : le chiffre d'affaires mondial du commerce équitable est d'un milliard d'euros, soit moins de 0,1 % de la production nationale française.

Une façon de réconcilier les deux modèles consiste à traiter les objectifs du second modèle avec les outils du premier. Concrètement, il s'agit d'identifier les "nuisances sociales", de leur donner un prix et de le faire payer à ceux qui les génèrent :
- assurance chômage à bonus/malus pour faire payer le "prix de la précarité". Pour être juste un tel dispositif nécessite une certaine sophistication, notamment pour ne pas pénaliser les entreprises qui recrutent des chômeurs "difficiles" (et donc avec plus de chances d'échec) par rapport à celles qui refusent les demandeurs d'emploi les plus en difficulté ;
- taxe à l'importation compensatrice des avantages sociaux indus. Une telle taxe est probablement très difficile à mettre en pratique, notamment parce qu'elle impose de définir l'avantage indus, produit par produit - avec le risque de pressions protectionnistes. Une variante de ce type de taxe est le projet de taxe sur le "carbone importé", qui vise à corriger l'avantage comparatif dont disposent les usines situées dans des pays qui n'appliquent pas le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les entreprises qui sont soumises à des contraintes (comme les entreprises européennes) ;
- droit social très ferme en matière de lutte contre les discriminations et le harcèlement ;

On notera qu'il subsiste un certain nombre de domaines dans lesquels il est difficile d'introduire ce type de corrections. Par exemple, il serait difficile de construire une taxe sur le stress au travail (difficile à mesurer) - sans parler du malheur au travail ! Tout au plus peut-on organiser une plus grande transparence sur le taux de mobilité (un taux élevé est généralement le symptôme d'une entreprise où il ne fait pas bon vivre, qui devra payer plus cher pour attirer des salariés). Dans une société, c'est généralement le rôle des règles morales de contrôler ce genre de comportements (en éduquant les citoyens pour être sensible au malheur d'autrui, et en faisant en sorte que ceux qui n'y sont pas sensibles soit stigmatisés et aient intérêt à "rentrer dans le rang").

De la même façon, le niveau de cohésion sociale et de confiance d'un pays dépend de nombreuses causes qu'il est difficile d'identifier et auxquelles il est difficile de donner un prix. Il est également lié (j'y reviendrais dans un autre article) à la force et à la nature des régles morales.

Ces derniers points dépendent davantage d'un projet politique, et du rôle des institutions morales, c'est à dire des entités qui organisent et régulent la morale et sanctionnent les comportement "immoraux" : famille, groupes religieux ou associations philosophiques mais également en partie l'Etat, ou les collectivités.

Compte tenu de la montée de la demande d'une société moins individualiste (notamment chez les jeunes), on pourrait déclarer en paraphrasant Malraux "Le XXIe siécle sera celui des institutions morales, ou ne sera pas !".