dimanche, août 25, 2013

La loi de Parkinson, ou comment les organisations se sédimentent

Un vieil article de The Economist (1955) à relire : http://www.economist.com/node/14116121

Libre-échange transatlantique : regardons les faits




Le projet de partenariat transatlantique va-t-il attenter, comme on le dit parfois, à notre modèle social ?
Notons d'abord que la suppression des droits de douanes entre l'Europe et les Etats-Unis ne peut pas avoir de telles conséquences. Les échanges concernés, entre pays au niveau de développement comparables, sont plus proches de ceux qui lient la France et l'Allemagne, que de ceux avec les pays à bas coûts ou pratiquant le dumping.

De plus, le mandat exclut d'ores et déjà le secteur audiovisuel, et l'article 8 indique que la négociation devra garantir "un haut niveau de protection de l'environnement, des travailleurs et des consommateurs, préservant l'acquis réglementaire des Etats membres".

Des études réalisées au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France estiment que les gains de l'accord se traduiront par 0,2 % à 0,5 % de richesse supplémentaire à l'horizon d'une dizaine d'années - soit plus de 100 milliards d'euros de revenu annuel en Europe et plus de 100 000 emplois uniquement dans l'Hexagone.

SANS NAÏVETÉ ET SANS PARANOÏA

On peut discuter des modèles, mais il est difficile de contester qu'un tel accord entre une zone - l'Europe - qui sort tout juste de la récession (+ 0,3 % au deuxième trimestre) et un pays - les Etats-Unis - dont la croissance dépassera 2 % en 2013, va dynamiser les débouchés de nos entreprises. Pour un cycliste qui veut accélérer, sans dopage, il n'y a rien de plus efficace que d'être à l'aspiration d'un coureur plus rapide. Or, du seul fait de leur démographie, les Etats-Unis auront à terme 0,5 point de croissance de plus que le Vieux Continent.
Mais interrogeons-nous aussi sur le fond de l'accord. Il s'agit non seulement de réduire les droits de douanes - par exemple sur les produits français importés aux Etats-Unis - mais aussi de simplifier les règles commerciales, notamment grâce à la "convergence des normes".
Aujourd'hui en effet, vendre un réfrigérateur aux Etats-Unis ou en Europe impose aux fabricants des longueurs de câbles électriques différentes. Ceux qui ont en mémoire les avantages apportés par un standard unique de chargeurs de téléphone apprécieront.
Plus généralement, cet accord donnera aux entreprises du Vieux Continent un accès simplifié à un marché représentant 40 % du commerce mondial. Les PME européennes en seront les principales bénéficiaires. Elles pourront accéder au marché américain aussi facilement qu'elles accèdent à leur marché intérieur.
Dans ce cadre, la négociation qui se présente doit être abordée sans naïveté et sans paranoïa. Assurément, les Etats-Unis souhaiteront écarter certains points lors de ces pourparlers ; l'Europe le fera aussi. La France a d'ailleurs déjà précisé sa position sur l'audiovisuel.

LA PRÉFÉRENCE NATIONALE ÉCONOMIQUE, UNE MAUVAISE RÉPONSE

C'est pourquoi, ceux qui agitent le spectre des poulets décontaminés au chlore, de la viande aux hormones ou de l'invasion des organismes génétiquement modifiés ont mal lu la lettre - préservation de l'acquis - du mandat. Ils ont aussi oublié que le texte final ne pourra être appliqué qu'après un vote du Parlement européen : rien ne sera décidé qui ne soit validé démocratiquement.
A l'heure où les Français souffrent de la hausse du chômage et pâtissent de perspectives peu encourageantes dues à une croissance faible, la tentation est grande de jouer la carte de la préférence nationale sociale, c'est-à-dire le refus de l'étranger, et la recherche de boucs émissaires.
La préférence nationale économique, c'est-à-dire le refus d'échanger, est une mauvaise réponse à de vraies questions. Le projet de partenariat transatlantique ne va pas résoudre tous nos problèmes, mais il y a là une belle occasion de soutenir notre modèle social, si l'accord est associé à de réels garde-fous. Tous ces éléments doivent évidemment faire l'objet d'un débat. Mais il serait préférable qu'il soit éclairé par des faits plus que par des préjugés.

jeudi, août 01, 2013

Transition énergétique : tranchons nos paradoxes !

Publié dans Les Echos, le 1er aout 2013

Les désaccords sur lesquels se concluent le débat sur la transition ne sont pas en soi un problème – ils démontrent en effet qu’il y a des choix à faire, et qu’ils ne sont pas simples. Mais ils cachent aussi le fait que notre système énergétique a atteint ses limites, qui se traduisent sous la forme d’au moins quatre paradoxes. Persuadés que nous ne trouverons pas de solutions durables si nous ne nous attaquons pas au fond des problèmes, c’est à l’analyse de ces paradoxes et de leurs causes profondes que le pôle « Energie » de Terra Nova s’est livré.
Le premier paradoxe est celui de l’inversion des temps. Il voit les choix de long terme inhérents aux politiques de l’énergie malmenés par des visions de court terme, alors que les investissements énergétiques se situent dans des temps longs. Mais il a également pour cause les défauts fondamentaux dans la façon dont la logique de marché a été introduite dans l’énergie - par exemple, en introduisant le marché là où il aurait été préférable de renforcer la régulation, et à l’inverse, en échouant introduire une vraie concurrence dans le domaine de la production. Pour être résolu, ce paradoxe nécessite que l’Etat reprenne en France un rôle de stratège, qu’il a en grande partie abandonné, et fixe des orientations de long terme stables dans le temps, mais également que l’architecture du marché européen de l’énergie soit revue en profondeur.
Le paradoxe démocratique tient à l’écart entre la place de la transition dans l’agenda politique, et la faible implication des citoyens sur ces sujets. Pour le résoudre, il faut  mettre en place les conditions d’une véritable démocratie énergétique, à commencer par une information précise sur les enjeux, les choix possibles, et leurs conséquences, sous une forme qui rende ces informations réellement accessibles à chacun. Ce paradoxe démocratique est également mondial : les débats sur la transition concernent des pays qui ne réalisent qu’une part minoritaire des émissions de CO2. Il est donc nécessaire d’agir de façon volontaire à la fois en France, et en renforçant notre « diplomatie climatique » nationale et européenne.
Le paradoxe de la mobilité, c’est que le sujet contribuant à la majorité des émissions de CO2 fut pratiquement absent des débats. La résolution de ce paradoxe suppose une approche coordonnée là où les différents leviers (urbanisme, transport, stratégie industrielle…) sont actuellement utilisés de façon peu coordonnée. Il est également nécessaire de veiller à ce que chacun puisse accéder à la mobilité économe (par exemple, en n’oubliant pas le gaz, qui présente les coûts d’achats les plus faibles), donner des signaux-prix incitatifs et utiliser davantage le potentiel de l’open data pour permettre à chacun d’optimiser ses déplacements.
Le paradoxe du financement, enfin, est ce cercle vicieux par lequel l’absence d’investissements nous rend plus pauvres. Il peut être levé, comme le montrent les études réalisées en Allemagne. Cela suppose cependant de donner aux investissements nécessaires – souvent de durée longue et de risque faible – des coûts de financements plus proches des taux de retours attendus des infrastructures publiques, que de ceux actuellement exigés par les marchés pour les projets énergétiques. Il est par ailleurs nécessaire, en parallèle, de développer les investissements privés dans l’énergie, autant en assurant aux énergéticiens des prix qui leurs en donnent les moyens, qu’en développant la concurrence là où elle est source d’innovation.
Le débat ne résoudra pas ces paradoxes, et plusieurs d’eux entre nécessitent encore un travail supplémentaire avant de pouvoir donner lieu à des solutions réalistes, notamment s’agissant de la mobilité, la définition d’une architecture alternative pour le système énergétique européen, la conciliation des objectifs nationaux et des contraintes mondiales, ou l’analyse du coût futur pour les entreprises ou les particuliers des différentes options possibles.
Si nous n’y arrivons pas, nous assisterons à la multiplication d’anomalies similaires à celle constatée récemment en France pour la production électrique : des dépenses sans précédent en faveur des renouvelables, et des dispositifs ambitieux pour réaliser des économies largement effacés par l’effet des prix de marché (charbon peu coûteux, flexibilité et faibles émissions du gaz insuffisamment valorisés, prix du carbone insuffisant) conduisant à une hausse des émissions de C02 du mix électrique, en plein débat sur l’énergie !

Vincent Champain, Esther Finidori, Pierre Genas, Amine Lamdaouar et Corentin Sivy