dimanche, décembre 08, 2013

Réinventer les relations économiques France-Afrique



L’Afrique connaît une croissance économique sans précédent. Cette évolution a de nombreuses conséquences, et modifie profondément les besoins de partenariats des pays concernés. Avec le développement de la présence d’acteurs tels que la Chine, dont l'approche est beaucoup plus « business » que « diplomatique », cette situation peut présenter le risque d’une marginalisation de la France, à moins que nous mettions rapidement en place les moyens d'une relation économique rénovée.

1 - L’Afrique connaît  une croissance économique sans précédent

De 2000 à 2008 l’Afrique a connu un taux de croissance historique, avec près de 5 % en moyenne, soit trois fois plus que la France.




Derrière cette tendance macroéconomique se cachent des évolutions qui remettent en cause de nombreuses idées reçues sur l’Afrique. Ainsi :
§  le Rwanda figure dans les premières places du classement « Doing Business » de la Banque Mondiale, qui évalue les efforts réalisés en faveur de la création d’entreprise. Bien loin de l'image laissée par le génocide, ce pays connaît actuellement une croissance record – plus de 11% par an pour la période 2013-2017 ;
§  suivant l’exemple de l’Inde, des pays comme le Maroc ont développé une industrie d’exportation de services notamment informatiques, créant des milliers d’emplois qualifiés et attirant des multinationales de premier plan ;
§  au Kenya, 23 % de la population utilise désormais un système de paiement par téléphone mobile par lequel transite l’équivalent de 11 % du produit intérieur brut de ce pays, et qui fait figure de modèle mondial ;
§  la croissance de l’Afrique sur les années récentes, loin d’être concentrée sur l’exportation de matières premières ou sur l’industrie de base, fait apparaître un fort développement des services hôteliers, financiers ou de communication.


2 - Ce décollage modifie profondément les modes de développement de ces pays

En conséquence, le développement économique de ces pays emprunte de nouvelles voies :

§  les investissements privés sur des projets rentables, qui représentaient des flux marginaux jusqu’au début des années 90, dépassent désormais très largement les flux de l’aide publique au développement ;

§  les besoins d’accompagnement des pays concernés évoluent : alors que l’accès au financement représentait le principal besoin il y a 20 ans, ce n’est plus le cas pour beaucoup de pays, courtisés notamment par des pays tels que la Chine (qui a annoncé fin 2009 un montant de prêts de 10 milliards d’euros à l’Afrique). Cette dernière qui engage avec ces pays des discussions d’égal à égal jugée par plusieurs de leurs interlocuteurs comme étant beaucoup plus « business » ;



§  les pays concernés ont des besoins d’accompagnement qui évoluent. En effet, le besoin d’accompagnement peut se rapprocher du type d’accompagnement utilisé par les pays plus développés – comme par exemple la refonte du système informatique de gestion des demandeurs d’emploi  En outre, un Etat souverain pourra difficilement confier un projet de refonte de sa stratégie économique à une agence d’un pays pouvant être l’un de ses concurrents.

3 - Cette situation offre des opportunités, sous réserve de nous y adapter

Cette situation est nouvelle, et probablement appelée à durer. Elle ne remet pas en cause l’intérêt des missions des agences de développement, qui restent  pertinentes et ont tissé des relations de qualité dans de nombreux pays. En revanche, cette situation fait apparaître un besoin croissant d’autres outils et d'une relation renovée entre la France et les pays d'Afrique, adaptés à l’accélération du développement d’une partie des pays concernés, davantage basée sur l'idée d'une croissance « endogène » :  ces pays ne nous attendent pas pour croître, mais ils cherchent des partenaires économiques sérieux

Pour ne donner que quelques exemples :

§  le développement économique d’une partie de ces pays, bien qu’élevé, est souvent encore insuffisant pour permettre la réduction du chômage, qui constitue l’une des causes premières des flux migratoires. Or des pays tels que le Maroc, le Kenya ou les Philippines ont créé des dizaines de milliers d’emplois en mettant en œuvre, d’une façon unilatérale, des programmes de développement économique qu'ils conçoivent seuls. La France pourrait contribuer à ces travaux – non dans une logique « d'aide au développement », car ces pays ne demandent pas d'aide – mais par le biais de réseaux d'experts ou d'initiatives telles que celles initiées pa l'Union pour la Méditerrannée ;

§  ces pays ont souvent besoin de compétences (informaticiens qualifiés, cadres expérimentés, dirigeants capable de prendre la tête d’une filiale de groupe étranger), et pourraient mobiliser davantage leurs expatriés, et amplifier les capacités de leurs systèmes de formation. Ainsi, certains pays d'Afrique ne produisent que quelques centaines d'ingénieurs par an, alors que la croissance de leur secteur pétrolier en demande des dizaines de milliers. Ainsi une agence de développement des talents[1], notamment chargée de faciliter l’attraction des talents ou le retour des talents expatriés, a-t-elle été créée à Singapour, et de tels projets sont actuellement en cours d’étude dans d’autre pays. Là encore, on pourrait imaginer un programme de basé sur l’identification précise des talents nécessaires au développement économique, et la mise en place des moyens permettant  de les attirer ; 

§  pour les travailleurs moins qualifiés, le marché du travail ou le système de formation et d’accompagnement des demandeurs d’emploi de ces pays fonctionne souvent d’une façon très imparfaite. Par exemple, alors que la France affiche un ratio d’un peu plus de 50 demandeurs d’emploi par agent de pôle emploi, et que le Royaume Uni présente un ratio deux fois moindre, on compte en Tunisie 400 demandeurs par agent de l’ANETI, ce qui exclut toute possibilité d’accompagnement ! A l’inverse l’Inde ou le Maroc ont créé des milliers d’emplois en mettant en place des formations « à la demande » ciblées pour garantir aux multinationales des emplois adaptés à leurs critères de sélection et assurer une réduction rapide du chômage. Pour soutenir la croissance, un effort particulier sur l'efficacité du secteur de la formation et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi est nécessaire ; 

  • le développement économique français pourrait enfin bénéficier du décollage des pays d’Afrique, en développant les partenariats économiques, notamment avec les pays francophones.  Ce modèle, proche de celui réalisé par l’Allemagne avec les pays de l’Est, ou des Etats-Unis avec l’Inde.  Le succès de l'industrie logicielle américaine tient en partie à ce partenariat qui, en Inde, a créé un secteur informatique de plus d'un million d'emplois. La francophonie offre à la France un atout économique considérable, offert par le partage d'une même langue, malheureusement sous utilisé.
4 – Pour une relation franco-africaine rénovée

Le partenariat entre la France et l'Afrique occupe une place croissante dans les discours et l'agenda médiatique. Dans les chiffres, cependant, ce partenariat n’a pas encore pris la dimension qu’elle mérite. Cette situation entraîne trois risques :
§  un risque économique, celui de priver progressivement la France d'un partenariat économique avec un continent avec lequel elle dispose pourtant d’une relation historique forte et d'un atout unique : une communauté linguistique sans équivalent dans le monde ;
§  un risque géostratégique, celui de laisser des pays tels que la Chine se positionner en « interlocuteurs business », et concentrer l’action de la France sur l’aide au développement « classique » ;
§  un risque politique, celui que, faute de montrer et de rappeler aux Français que l'Afrique est avant tout une promesse bien plus qu'une menace, les flux migratoires et le repli sur soi prennent dans le débat politique la place que devraient prendre le développement économique.

Or les spécialistes de la thérapie de couple savent que pour relancer une relation, plusieurs préalables sont nécessaires :
-        faire table rase d'une partie du passé. Il existe encore des mots ou des symboles du passé qui peuvent blesser. Il faut les exprimer afin de tourner définitivement la page ;
-        inscrire cette relation dans la durée. Comme tous les projets de long terme qui ont traversé les alternances (France 2025, Grand Emprunt,..) cette initiative doit être inscrite dans le durée : être transpartisane, s'appuyer sur des institutions fortes (il n'existe par en matière de relations France-Afrique l'équivalent de l'Union pour la Méditerranée) et des projets concrets ;
-        prendre conscience des opportunités futures, et de ce que les partenaires peuvent s'apporter dans une relation d'égal à égal. Paradoxalement, les études sur ce thème sont relativement rares. Alors que les tentations protectionnistes ou racistes s'expriment sans tabous, le potentiel de l'Afrique pour la France mériterait d'être davantage analysé, et porté dans le débat public ;
-        mettre en place dans la durée un dialogue de fond et de confiance. L'Afrique n'est pas un pays, c'est un continent – avec encore plus de variété qu'on peut en trouver entre un chypriote, un belge et un finlandais. Ses enjeux sont multiples, varient d'un pays à l'autre et au cours du temps. De même, les enjeux de la France dans le cadre de cette relation ne peuvent se limiter à une vision «autocentrée» (trouver des marchés supplémentaires pour ses entreprises) – ils doivent également être basé sur une écoute des besoins de nos partenaires, et porter sur les façons de renforcer la relation économique dans le long terme, et de contribuer à l'accélération de leur croissance.

Vincent Champain, économiste et coprésident de l'Observatoire du Long Terme (http://longterme.org)




[1]              La Workforce Development Agency

mardi, septembre 10, 2013

Transatlantic Trade and Investment Partnership: An opportunity not to be missed

Will the proposed transatlantic partnership harm our social model, as is sometimes argued?
It should straightaway be noted that the elimination of tariffs between Europe and the United States cannot have such consequences. The trade concerned - between countries of similar development levels - is closer to that which binds together France and Germany than to that with low-cost countries or countries practicing dumping.
In addition, its mandate already excludes the broadcasting sector and article 8 indicates that the negotiation should ensure “a high level of protection of the environment, workers and consumers, preserving the regulatory acquis of member States”.
Studies in the United Kingdom, Germany and France find that the agreement will result in 0.2 % to 0.5 % GDP growth to the horizon of a decade - more than €100 billion in annual revenue in Europe and more than 100,000 jobs in France only.

NEITHER NAIVETY NOR PARANOIA

We can discuss estimates based on economic models but it is difficult to hold that such an agreement between Europe - a zone just emerging from recession (+0.3 % in the second quarter) - and the United States - a country whose growth will exceed 2 % in 2013 - will not boost opportunities for our businesses. For a cyclist who wants to accelerate without doping, there is nothing better than to ride a tandem bicycle. And the United States will eventually get a 0.5 GDP point increase over the Old Continent simply due to its demography.
But let us have a look at the content of the agreement. Its goal is not only to reduce tariffs – e.g. on French products imported into the United States - but also to simplify trade rules, in particular through a “convergence of standards”. Nowadays, for example, selling a refrigerator in the United States or in Europe requires the manufacturing of electrical cables of different lengths. Those who remember the benefits of introducing standard phone chargers will appreciate.
More generally, the agreement will offer European businesses easy access to a market representing 40 % of world trade. European SMEs will be the main beneficiaries. They will have access to the American market as easily as they access their domestic market.
In this context, the negotiation has to be addressed without naivety or paranoia. To be sure, the United States will try to exclude certain points from the talks; Europe will do the same. France already has clarified its position on the broadcasting industry.

NATIONAL ECONOMIC PREFERENCE, A BAD SOLUTION


That is why those who raise the specter of chlorine-decontaminated chicken, meat with hormones or the invasion of genetically modified organisms have misread the letter of the mandate: preservation of the EU acquis. They also forget that the final text will not be applied before a vote by the European Parliament: nothing will be decided that is not democratically validated. At a time when France suffers from rising unemployment and the gloomy outlook of low growth, it might seem tempting to play the card of national social preference - that is to say the refusal of the outside world and the search for scapegoats. National economic preference, that is to say the refusal to trade, is a poor answer to real questions. 

The transatlantic partnership project will not solve all our problems, but it is a great opportunity to support our social model if the agreement is associated with real safeguards. All these elements obviously need debate. But it would be preferable that it be informed by facts rather than by prejudice.

dimanche, août 25, 2013

La loi de Parkinson, ou comment les organisations se sédimentent

Un vieil article de The Economist (1955) à relire : http://www.economist.com/node/14116121

Libre-échange transatlantique : regardons les faits




Le projet de partenariat transatlantique va-t-il attenter, comme on le dit parfois, à notre modèle social ?
Notons d'abord que la suppression des droits de douanes entre l'Europe et les Etats-Unis ne peut pas avoir de telles conséquences. Les échanges concernés, entre pays au niveau de développement comparables, sont plus proches de ceux qui lient la France et l'Allemagne, que de ceux avec les pays à bas coûts ou pratiquant le dumping.

De plus, le mandat exclut d'ores et déjà le secteur audiovisuel, et l'article 8 indique que la négociation devra garantir "un haut niveau de protection de l'environnement, des travailleurs et des consommateurs, préservant l'acquis réglementaire des Etats membres".

Des études réalisées au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France estiment que les gains de l'accord se traduiront par 0,2 % à 0,5 % de richesse supplémentaire à l'horizon d'une dizaine d'années - soit plus de 100 milliards d'euros de revenu annuel en Europe et plus de 100 000 emplois uniquement dans l'Hexagone.

SANS NAÏVETÉ ET SANS PARANOÏA

On peut discuter des modèles, mais il est difficile de contester qu'un tel accord entre une zone - l'Europe - qui sort tout juste de la récession (+ 0,3 % au deuxième trimestre) et un pays - les Etats-Unis - dont la croissance dépassera 2 % en 2013, va dynamiser les débouchés de nos entreprises. Pour un cycliste qui veut accélérer, sans dopage, il n'y a rien de plus efficace que d'être à l'aspiration d'un coureur plus rapide. Or, du seul fait de leur démographie, les Etats-Unis auront à terme 0,5 point de croissance de plus que le Vieux Continent.
Mais interrogeons-nous aussi sur le fond de l'accord. Il s'agit non seulement de réduire les droits de douanes - par exemple sur les produits français importés aux Etats-Unis - mais aussi de simplifier les règles commerciales, notamment grâce à la "convergence des normes".
Aujourd'hui en effet, vendre un réfrigérateur aux Etats-Unis ou en Europe impose aux fabricants des longueurs de câbles électriques différentes. Ceux qui ont en mémoire les avantages apportés par un standard unique de chargeurs de téléphone apprécieront.
Plus généralement, cet accord donnera aux entreprises du Vieux Continent un accès simplifié à un marché représentant 40 % du commerce mondial. Les PME européennes en seront les principales bénéficiaires. Elles pourront accéder au marché américain aussi facilement qu'elles accèdent à leur marché intérieur.
Dans ce cadre, la négociation qui se présente doit être abordée sans naïveté et sans paranoïa. Assurément, les Etats-Unis souhaiteront écarter certains points lors de ces pourparlers ; l'Europe le fera aussi. La France a d'ailleurs déjà précisé sa position sur l'audiovisuel.

LA PRÉFÉRENCE NATIONALE ÉCONOMIQUE, UNE MAUVAISE RÉPONSE

C'est pourquoi, ceux qui agitent le spectre des poulets décontaminés au chlore, de la viande aux hormones ou de l'invasion des organismes génétiquement modifiés ont mal lu la lettre - préservation de l'acquis - du mandat. Ils ont aussi oublié que le texte final ne pourra être appliqué qu'après un vote du Parlement européen : rien ne sera décidé qui ne soit validé démocratiquement.
A l'heure où les Français souffrent de la hausse du chômage et pâtissent de perspectives peu encourageantes dues à une croissance faible, la tentation est grande de jouer la carte de la préférence nationale sociale, c'est-à-dire le refus de l'étranger, et la recherche de boucs émissaires.
La préférence nationale économique, c'est-à-dire le refus d'échanger, est une mauvaise réponse à de vraies questions. Le projet de partenariat transatlantique ne va pas résoudre tous nos problèmes, mais il y a là une belle occasion de soutenir notre modèle social, si l'accord est associé à de réels garde-fous. Tous ces éléments doivent évidemment faire l'objet d'un débat. Mais il serait préférable qu'il soit éclairé par des faits plus que par des préjugés.

jeudi, août 01, 2013

Transition énergétique : tranchons nos paradoxes !

Publié dans Les Echos, le 1er aout 2013

Les désaccords sur lesquels se concluent le débat sur la transition ne sont pas en soi un problème – ils démontrent en effet qu’il y a des choix à faire, et qu’ils ne sont pas simples. Mais ils cachent aussi le fait que notre système énergétique a atteint ses limites, qui se traduisent sous la forme d’au moins quatre paradoxes. Persuadés que nous ne trouverons pas de solutions durables si nous ne nous attaquons pas au fond des problèmes, c’est à l’analyse de ces paradoxes et de leurs causes profondes que le pôle « Energie » de Terra Nova s’est livré.
Le premier paradoxe est celui de l’inversion des temps. Il voit les choix de long terme inhérents aux politiques de l’énergie malmenés par des visions de court terme, alors que les investissements énergétiques se situent dans des temps longs. Mais il a également pour cause les défauts fondamentaux dans la façon dont la logique de marché a été introduite dans l’énergie - par exemple, en introduisant le marché là où il aurait été préférable de renforcer la régulation, et à l’inverse, en échouant introduire une vraie concurrence dans le domaine de la production. Pour être résolu, ce paradoxe nécessite que l’Etat reprenne en France un rôle de stratège, qu’il a en grande partie abandonné, et fixe des orientations de long terme stables dans le temps, mais également que l’architecture du marché européen de l’énergie soit revue en profondeur.
Le paradoxe démocratique tient à l’écart entre la place de la transition dans l’agenda politique, et la faible implication des citoyens sur ces sujets. Pour le résoudre, il faut  mettre en place les conditions d’une véritable démocratie énergétique, à commencer par une information précise sur les enjeux, les choix possibles, et leurs conséquences, sous une forme qui rende ces informations réellement accessibles à chacun. Ce paradoxe démocratique est également mondial : les débats sur la transition concernent des pays qui ne réalisent qu’une part minoritaire des émissions de CO2. Il est donc nécessaire d’agir de façon volontaire à la fois en France, et en renforçant notre « diplomatie climatique » nationale et européenne.
Le paradoxe de la mobilité, c’est que le sujet contribuant à la majorité des émissions de CO2 fut pratiquement absent des débats. La résolution de ce paradoxe suppose une approche coordonnée là où les différents leviers (urbanisme, transport, stratégie industrielle…) sont actuellement utilisés de façon peu coordonnée. Il est également nécessaire de veiller à ce que chacun puisse accéder à la mobilité économe (par exemple, en n’oubliant pas le gaz, qui présente les coûts d’achats les plus faibles), donner des signaux-prix incitatifs et utiliser davantage le potentiel de l’open data pour permettre à chacun d’optimiser ses déplacements.
Le paradoxe du financement, enfin, est ce cercle vicieux par lequel l’absence d’investissements nous rend plus pauvres. Il peut être levé, comme le montrent les études réalisées en Allemagne. Cela suppose cependant de donner aux investissements nécessaires – souvent de durée longue et de risque faible – des coûts de financements plus proches des taux de retours attendus des infrastructures publiques, que de ceux actuellement exigés par les marchés pour les projets énergétiques. Il est par ailleurs nécessaire, en parallèle, de développer les investissements privés dans l’énergie, autant en assurant aux énergéticiens des prix qui leurs en donnent les moyens, qu’en développant la concurrence là où elle est source d’innovation.
Le débat ne résoudra pas ces paradoxes, et plusieurs d’eux entre nécessitent encore un travail supplémentaire avant de pouvoir donner lieu à des solutions réalistes, notamment s’agissant de la mobilité, la définition d’une architecture alternative pour le système énergétique européen, la conciliation des objectifs nationaux et des contraintes mondiales, ou l’analyse du coût futur pour les entreprises ou les particuliers des différentes options possibles.
Si nous n’y arrivons pas, nous assisterons à la multiplication d’anomalies similaires à celle constatée récemment en France pour la production électrique : des dépenses sans précédent en faveur des renouvelables, et des dispositifs ambitieux pour réaliser des économies largement effacés par l’effet des prix de marché (charbon peu coûteux, flexibilité et faibles émissions du gaz insuffisamment valorisés, prix du carbone insuffisant) conduisant à une hausse des émissions de C02 du mix électrique, en plein débat sur l’énergie !

Vincent Champain, Esther Finidori, Pierre Genas, Amine Lamdaouar et Corentin Sivy

mercredi, juillet 10, 2013

Les effets de la pollution en Chine : une perte de 2,5 milliards d'année de vie

Les effets de la pollution en Chine : une perte de 2,5 milliards d'année de vie selon la National Academy of Science http://www.pnas.org/content/early/2013/07/03/1300018110

vendredi, juin 21, 2013

Modèles de croissance : ne pas se tromper de guerre !

Paru dans les Echos le 21 juin

Les généraux de temps de paix excellent dans la diplomatie et savent diriger quand il s'agit d'utiliser leur supériorité par rapport à l'ennemi. A l'inverse, les généraux de temps de guerre réussissent des missions impossibles et trouvent les opportunités qui retournent une situation difficile. Les premiers, courtois et soucieux des convenances, se concentrent sur les grandes lignes, laissant leur organisation définir les plans d'action détaillés. Soucieux d'être dans le vrai, les seconds acceptent d'être moins consensuels ; ils sont présents au coeur des batailles à gagner et célèbrent les victoires avec leurs troupes. Sans appétit pour le consensus, ils savent que les opportunités naissent des contradictions exprimées puis résolues.
Il en va de même en entreprise : après avoir créé Apple, Steve Jobs en fut écarté par un ancien de Pepsi, John Sculley, qui développa l'entreprise lors du boom de la micro-informatique des années 1980. Il revient dix ans plus tard pour réinventer Apple et lui éviter la faillite. Comme le note « Forbes », les dirigeants sont adaptés aux périodes de paix ou aux temps de guerre, rarement aux deux. La littérature managériale traite majoritairement de méthodes de temps de paix, périodes auxquelles le succès repose sur la reproduction d'une méthode.
La même distinction vaut en matière économique. Durant les Trente Glorieuses, la France devait réaliser une « croissance d'expansion ». La diriger consistait à utiliser les atouts de notre pays en diffusant des recettes qui marchent (développement des réseaux d'infrastructure, élévation du niveau d'éducation, mise en place d'assurances sociales à couverture large…). C'était le temps des grandes stratégies et de la planification à la française.
Depuis, nous avons rejoint les meilleurs en richesse par heure travaillée et sommes entrés dans une « croissance contrainte », où l'enjeu n'est plus de rejoindre d'autres pays, mais au contraire trouver comment faire mieux qu'eux, tout en assurant emploi et solidarité. Il s'agit de nous donner les moyens de gagner des batailles économiques. De ne pas étouffer ceux qui sont capables de remporter ces batailles dans des visions trop décalées du réel - on pense aux enjeux du prix de l'énergie (compatibles avec une maîtrise des émissions de CO pourvu que les outils utilisés n'ignorent pas les réalités économiques). Ou aux promesses du « big data » (où nous avons des atouts, mais sommes handicapés par la multiplicité des cadres légaux européens). Ou encore aux emplois de service, insuffisamment valorisés alors qu'ils correspondent au profil de la majorité de ceux qui cherchent un emploi.
Vu d'un économiste de temps de paix, nous avons besoin d'une stratégie et d'un modèle dans lequel les entreprises inscriront mécaniquement leur développement. Un économiste de temps de guerre considérera, à l'inverse, qu'il faut laisser les acteurs économiques trouver comment mieux utiliser nos ressources - notamment 15 % de la population active sans emploi - en réduisant les barrières qui font consensus contre elles (part des prélèvements sur le travail, régulations limitant l'initiative économique, excès de centralisation, faiblesse du pilotage par la valeur des services publics…), et en cherchant les meilleures options pour les autres (régulations sociales, répartition des prélèvements…).
Si les tendances telles que le rattrapage des pays émergents ou le niveau de compétition économique mondial sont là pour durer, alors nos décideurs devront être davantage le profil du général de temps de guerre et rechercher la confrontation au réel plus que le consensus. Paradoxalement, cette confrontation réduira le stress du « mal français » : nous n'avons aucune raison de vivre moins bien demain qu'hier, de nous priver du potentiel de production des demandeurs d'emploi ou de ne pas profiter de toutes les innovations à venir. Et de ne pas célébrer ensemble de futures victoires économiques !

mercredi, avril 03, 2013

Le big data vous menace-t-il ?


Chaque minute, 204 millions de mails sont échangés, 47000 applications mobiles sont téléchargées, 3000 photos sont mises en ligne - et 20 personnes sont victimes d'usurpation d'identité. Au total, plus d'un demi teraoctet[1] de données sont échangés. Et ces nombres continueront à augmenter avec l'évolution de l'usage d'internet mais surtout celui de ses « usagers » - il y aura en effet bientôt plus d'objets que de personnes reliés à internet. Votre voiture signalera au concessionnaire un besoin de maintenance évitant une panne et aidera votre assureur à vous proposer une couverture plus adaptée à votre conduite. Votre machine à laver pourra mettre à jour un programme de lavage plus économe. Le réseau électrique indiquera à chaque véhicule électrique le moment le plus opportun pour se recharger en évitant les files d'attente aux bornes. Tous les secteurs bénéficieront ainsi du Big Data, c'est à dire de l'analyse de masses considérables de données d'origines (réseaux sociaux, blogs, capteurs...) et de formats (textes, videos, géolocalisation ...) multiples.
Quel impact sur la sécurité ?
Le potentiel de ces technologies est considérable, mais il soulève des craintes en matière de sécurité qui le sont tout autant : si les données, autrefois limitées à l'usage pour lequel elles étaient collectées (comme identifier son client pour un commerçant) voient leur utilisation se multiplier à l'infini, ne va-t-on pas aussi multiplier les risques à l'infini ? Le développement des solutions big data reposant sur de grandes masses de données hébergées par des solutions matérielles et logicielles diverses et déployées sur des réseaux parfois externes, ne va-t-il pas augmenter à la fois les points de vulnérabilité, et l'ampleur des conséquences en cas d'attaque ?
 Notons d'abord qu'il est souvent plus aisé d'accéder à une donnée sensible grâce à des vulnérabilités humaines (obtenir par ruse des informations au téléphone, s'introduire dans un bâtiment sous une fausse identité...) qu'en tirant partie de failles techniques. D'autre part, les bases de données classiques concentrent souvent dans un même lieu des données structurées alors que les données du Big Data se présentent à prime abord sous des supports distribués et peu accessibles. Enfin, un fichier client peut se copier sur la carte mémoire d'un téléphone. Ce n'est pas le cas pour une masse de données de plusieurs pétaoctets, dont le temps de téléchargement est également prohibitif (plusieurs années). Le Big Data rend par ailleurs possible de nouveaux outils [2] qui utilisent sa puissance pour déjouer les attaques des pirates, par exemple en détectant en temps réel les transactions bancaires suspectes.
Plus de moyens de contrôle
Soulignons enfin que, géré de façon professionnelle, un projet de Big Data s'accompagne généralement d'une augmentation des moyens consacrés à la sécurité de données au regard des risques potentiels. Il existe en effet de nombreuses techniques pour protéger l'anonymat, qu'il s'agisse de méthodes de collecte (confier le traitement de données ne devant pas être rapprochées à des entités indépendantes), d'algorithmes de hachage (qui permettent de masquer l'identité des personnes) ou de contraintes portant sur les requêtes pour rendre impossibles l'identification des personnes, même indirecte.
Une régulation compétitive pour pérenniser notre modèle de protection
Le développement du Big Data fait l'objet d'une concurrence mondiale intense entre entreprises et entre Etats. Pour avoir une chance d'en influencer les normes, notamment de protection des données individuelles, nous devrons être à la fois présents et compétitifs. Pour cela, il faudra relever trois défis:
 - Le défi de la vision et des moyens
Alors que le volume des données augmente de 40 % par an, les budgets informatiques progressent dix fois moins vite. Nous manquons de compétences propres au Big Data, qu'il s'agisse de « data scientists » disposant à la fois de compétences statistiques, en programmation et en architecture informatique, de « business analysts » capables de traduire les résultats de ces analyses en opportunités commerciales, ou de spécialistes en « Big Sécurité ». Par ailleurs, hormis les directeurs informatiques, rares sont les membres de comité exécutif maîtrisant ces enjeux. De ce fait, très peu d'entreprises disposent d'une feuille de route operationnelle en matière de Big Data.
 - Le défi de la sécurité des données
Le Big Data manipule des données qui doivent être protégées conformément à une législation à la fois fluctuante dans le temps et selon les Etats. Une fuite de données sensibles peut entacher durablement l'image de marque d'une organisation et causer de coûteux contentieux. Ces risques peuvent tout à fait être maîtrisés par une conception adaptée des projets, et grâce à des audits limitant les dérives ultérieures. Mais cette maîtrise ne s'improvise pas, et sera difficile à réaliser sans l'appui d'un partenaire ayant développé une compétence forte (par exemple, un fournisseur d'équipements) ou d'un conseil spécialisé.
 - Concilier régulation et stratégie d'innovation
 Dans le domaine du téléphone mobile, l'Europe a su faire de sa norme GSM un avantage compétitif permettant un développement du mobile plus rapide qu'aux Etats-Unis. A l'inverse, c'est en grande partie en raison de l'existence de langues multiples en Europe que les initiatives de moteurs de recherche européens ont rapidement été dominées par leurs concurrents américains, capables de s'adresser avec le même produit à des centaines de millions d'utilisateurs parlant la même langue. En matière de Big Data, les entreprises sont en Europe dans le deuxième cas, soumises à un patchwork de lois conçues dans une vision traditionnelle de collecte, de stockage et d'utilisation prévisible et ordonnancée des données, difficilement transposable aux données massives. Elles se battent face à la compétition mondiale avec des handicaps que n'ont pas leurs concurrents. Un travail important est donc encore nécessaire pour définir un cadre qui soit à la fois protecteur des libertés individuelles, et favorable au développement du Big Data, tout en profitant des atouts offerts par la technologie pour maintenir - et même souvent renforcer - ce niveau de protection.
 Au total, l'efficacité et la réactivité avec laquelle nous adopterons, au niveau Européen, une telle approche de la régulation du Big Data déterminera notre capacité à développer des champions en Europe - centres de recherche de groupes mondiaux, ou entreprises européennes. Dans le cas inverse, ces développements se feront ailleurs, et nous serons triplement perdants : nous perdrons des emplois à valeur ajoutée, nous passerons à côté de l'essentiel des bénéfices économiques et nous n'aurons aucune prise sur les standards de protection de données qui nous seront imposés de l'extérieur.
 [1]Un teraoctet = mille gigaoctets = mille milliards de caractères
[2]Voir par exemple le site de la CNIL

lundi, avril 01, 2013

Economiques, sociales et politiques : les révolutions du « big data », et pourquoi s’en réjouir



Quel serait la plus grosse surprise d’une personne vivant dans les année 80, et qui serait projetée dans la France d’aujourd’hui ? Peut-être de savoir que chacun peut, grâce à un équipement qui tient dans sa poche, accéder à la quasi-totalité du savoir de l’humanité de façon quasi-immédiate. Mais sans doute davantage de constater qu’internet sert en grande partie pour échanger ses états d’âmes sur des sites sociaux, regarder des photos de chats ou écouter des chanteurs Coréens à la mode…

Vision excessive ? Critique facile ? Sans doute ! Mais elle a le mérite d’illustrer que nous sommes encore très loin d’avoir ne serait-ce qu’effleuré toutes les possibilités offertes par les réseaux de données. C’est du reste le cas de toutes les grandes innovations : elles se diffusent d’abord lors d’une phase de « substitution ».Dans cette phase, l’innovation se diffuse en remplaçant d’une façon plus efficace des technologies anciennes – c’est ainsi que l’éclairage électrique a remplacé la bougie, la voiture les calèches ou les métiers à tisser mécanique ont remplacé les tisserands. L’innovation permet alors de faire mieux ou plus vite ce qu’on faisait déjà avant, en « cannibalisant » des technologies moins adaptées – la fameuse « destruction créatrice » théorisée par Schumpeter.

Vient ensuite un temps « d’extension des possibles », dans lequel apparaissent de nouvelles possibilités impossibles à réaliser auparavant. C’est ainsi que les révolutions successives des transports ont bouleversé notre façon de produire – rendant possible, par exemple, la conception en Californie, la production en Chine à partir de composants venant d’Asie du Sud Est, et les ventes en France. Le développement des assurances publiques et privées a accompagné l’évolution de notre façon de vivre ensemble –la cellule familiale traditionnelle a évolué au fur et à mesure qu’apparaissaient d’autre moyens de de s’assureur face à la vieillesse, la maladie ou le chômage. La diversification des médias a changé notre relation au pouvoir politique, d’un monde « ORTF » dominé par une information descendante, à la multiplication des chaînes de radio ou de télévisions, comme des think tanks qui constituent autant de contrepouvoirs critiques.

Malgré les apparences, cette phase « d’extension des possibles » est encore balbutiante dans le domaine du numérique. Le « big data » (c’est-à-dire l’existence de bases de données gigantesques) et « l’internet des choses » (c’est-à-dire la possibilité pour les objets et les machines à communiquer entre eux et avec nous) nous annoncent en effet des évolutions sans précédents.

Dans le champ économique, l’internet industriel va permettre une accélération de la productivité : en plaçant sur les machines (moteurs d’avions, turbines électriques, …) des capteurs et de la puissance de calcul, nous les rendront plus rapides et plus efficaces. Une meilleure gestion de la puissance des moteurs permet déjà de réduire leur consommation.

Les centrales électriques pourront ajuster leur production plus finement à la demande et réduire ainsi les pertes : fournir rapidement de l’énergie en cas de besoins (souvent imprévisibles), arrêter la production quand la demande baisse (et économiser ainsi de l’énergie). L’imagerie médicale ira de plus en plus au-delà de la traditionnelle « radio » pour être numérique. Elle permettra de construire des modèles en trois dimensions pour améliorer les diagnostics, guider à distance le geste du chirurgien ou permettre d’imprimer en trois dimensions des prothèses sur mesure – pour remplacer une hanche, une dent, et peut-être un jour un cartilage, voir certains organes. Un mélange de capteurs et de systèmes experts permettra également d’optimiser l’utilisation des infrastructures : dans le domaine ferroviaire, ils permettront à la fois d’améliorer la sécurité et évitant tous les accidents liés à un défaut de coordination et d’augmenter le nombre de trains pouvant utiliser le réseau à un moment donné – tâche que l’ouverture à la concurrence du rail va rendre particulièrement critique. Dans le domaine automobile, nous disposerons d’automobiles– électriques ou au gaz – qui communiqueront avec les autres véhicules qui partagent la route avec nous ainsi qu’avec les panneaux de signalisation pour augmenter le trafic, raccourcir les trajets et éviter les accidents.

Dans le champ politique, nous n’avons probablement qu’effleurés les changements liés au « big data », notamment à cause du manque de données ! Notons d’abord les changements intervenus dernièrement, à commencer par le débat sur le « chiffrage des programmes ». Nés grâce au web. Sans internet, en effet, personne n’aurait eu la force de frappe permettant à la fois de poser des questions - les promesses faites dans les campagnes présidentielles sont-elles réalisables – et d’apporter des éléments de réponse. Débuté en 2007 par l’initiative d’un think tank – l’Institut de l’Entreprise – ce débat a conduit des millions de personnes à venir consulter les informations sur le chiffrage. Au point d’être largement imité cinq ans plus tard par d’autres think tanks, ainsi que les partis eux-mêmes, qui annexent désormais un budget à leur programme présidentiel – cas unique dans le monde ! Avec des conséquences heureuses : d’abord, plus aucun parti ne peut aborder la campagne présidentielle comme un « mirobolathon » consistant à aligner les promesses à chaque catégorie d’électeurs. Une cohérence s’impose sur le coût de la somme des promesses. C’est également l’existence d’une « feuille de route financière » permet, par exemple, au président François Hollande de pouvoir annoncer dès la première année des orientations fiscales pour 5 ans – une visibilité cruciale pour les investisseurs français et étrangers. Mais il reste encore beaucoup à faire. En effet, la rigueur sur les comptes ne servirait à rien si elle n’était pas accompagnée d’une plus grande rigueur sur la valeur ajoutée des politiques publiques. L’Europe dans son ensemble a encore des progrès à faire dans ce domaine : alors qu’elle dispose du service public le plus important du monde, pratiquement aucun des principaux efforts pour fournir des données sur la valeur de ces services ne vient d’Europe – qu’il s’agisse du classement de Shangai, de le mesure de l’efficacité de la réglementation de la Banque Mondiale, ou de la comparaison mondiale des systèmes éducatifs de l’OCDE. Autrement dit, la première étape du « big data » - l’existence de données – fait défaut. Ou plus précisément, nous disposons de données très détaillées sur les coûts, mais d’à-peu-près rien sur la valeur de l’action publique ! Le premier pas serait donc de développer ces mesures de valeur ajoutée des services essentiels : en quoi notre système de formation augmente les chances d’obtenir un emploi et répondent aux besoins des entreprises ? en quoi notre système éducatif atteint-il son objectif d’enseignement des savoirs essentiels et de donner à nos enfants les armes pour s’insérer dans la société – à commencer la confiance en eux-même ? en quoi notre système de santé répond aux besoins de santé ? en quoi notre système d’accompagnement des demandeurs d’emploi accélère-t-il le retour à l’emploi ? Dans aucun de ces domaines il n’existe de « big data » - au mieux des études ponctuelles ou des audits administratifs, et c’est là que se situe l’enjeu le plus important pour les années à venir.

Dans le domaine social, enfin, le « big data » recèle à la fois des opportunités et des menaces. Sans minimiser l’attention qui nécessite le second point, notre pays est probablement l’un des plus avancés en termes de contrôle des menaces – la protection des données individuelles est en Europe plus stricte qu’ailleurs, et en France plus stricte qu’en Europe. Les opportunités ont parfois été questionnées – certains voyant dans les adolescents qui tchattent devant leur ordinateur une négation des relations sociales. Le numérique, un mode mineur de relation ? A voir ! Les chercheurs qui se sont penchés sur le bonheur (par exemple : http://www2.warwick.ac.uk/fac/soc/economics/staff/academic/oswald/ijeclarkos.pdf) constatent que trois choses principales affectent le bonheur : la santé, l’emploi et la présence d’une âme sœur. Les deux premiers relèvent de services publics, ou font à minima l’objet d’interventions publiques significatives. Le troisième relève d’institutions variables selon le lieu et le temps : si les familles jouent un rôle dans de nombreux pays, l’école, l’université ou le travail sont chez nous le premier lieu de rencontre. Un seul pays dans le monde – Singapour – a choisi de confier cette tâche à un service public, véritable « Pôle Emploi des cœurs ». Pour tous les autres, les réseaux sociaux ou les sites de rencontre jouent un rôle croissant. Et si l’on sort des questions de cœur, beaucoup ont pu retrouver un ami perdu de vue ou démarrer une amitié grâce aux recommandations d’un site social. Et cette tendance est probablement appelée à se développer. Car c’est là que réside la promesse du « big data » dans le domaine social : explorer notre préférence ou nos choix, pour élargir nos horizons en nous faisant accéder à des possibilités nouvelles, et inaccessibles auparavant. L’un des plus anciens exemples dans ce domaine est Jester (http://eigentaste.berkeley.edu), l’outil de recommandation de blagues en ligne, qui se base sur les préférences des internautes, ainsi que sur vos appréciations pour vous proposer des blagues qui sont de plus en plus adaptées à votre sens de l’humour. Cette technique de « filtrage collaboratif » a pour le moment surtout été utilisée dans le domaine commercial, et de façon limitée – par exemple pour vous suggérer des livres correspondant à votre style. Elle pourrait nous ouvrir des esp aces beaucoup plus larges – nous faire par exemple découvrir des styles de musiques correspondant à nos lectures, des vacances en ligne avec nos restaurants favoris, ou des personnes qui, ailleurs dans le monde, ont ri aux mêmes films. Les réseaux sociaux n’ont fait qu’effleurer ces possibilités…

Le « big data » est l’expression à la mode pour exprimer une idée finalement simple : jusqu’à présent, nous avons surtout utilisé internet pour faire plus rapidement ce que nous faisions déjà avant. Ca faisant, nous accumulons des quantités considérables de données de toutes natures. A l’avenir, l’analyse automatique de ces données nous permettra d’identifier des aiguilles dans la botte de foin des informations disponibles. Elle ouvrira de nouveaux espaces économiques qui permettront plus de croissance en utilisant mieux les équipements industriels. Elle révolutionnera également la politique en permettant un meilleur contrôle des citoyens sur leur vie et sur ceux auxquels ils la confient. Elle renforcera enfin nos relations, en nous ouvrant des espaces de découverte supplémentaires. Nous pas en noyant les relations humaines dans les « eaux glacées » d’échanges numériques, mais au contraire en nous offrant des passerelles avec les quelques personnes qui, parmi des milliards d’internautes, partageront avec nous passions ou émerveillements.

Vincent Champain,
Economiste et président de l’Observatoire du Long Terme

samedi, mars 16, 2013

Healthcare productivity is better than you think


Published in French in Les Echos, 03/04/2013

A Mozart string quartet takes just as long to play in 2012 as it did in the 18th century. That is why the price of live performances has not gone down, unlike the price of most products that have experienced an increase in productivity. This is what economist William Baumol calls the “cost disease.” This disease concerns services based essentially on professionals’ time and skills – in the case of healthcare, doctors, caregivers and healthcare workers in general.

                And yet, significant progress has been made in the field of cancer treatments. Development of surgical techniques leads to less invasive operations and fewer complications. Digital imagery, combined with specific markers, makes for greater certainty in diagnoses and more targeted procedures. The digital revolution in medicine enhances both the quality and productivity of healthcare. It transforms medical techniques (digital or robotic imagery), patient care (data analysis to better target procedures and reduce costs) and access to treatment (sharing medical images through networks, thus reducing test duplications and the exodus of doctors from certain regions). Unfortunately, this progress is not always visible: when a factory worker increases his output by 50% in return for a 20% raise, statistics show increased productivity. If the healthcare system reduces the mortality rate of cancer by 50% thanks to a 5% increase in costs, statistics only show the cost increase. Healthcare is not in the grip of a “cost disease;” it is suffering from an imperfect assessment of its value! To solve this problem, we need better to improve the way we measure both the value of healthcare procedures and the quality and rapidity of treatments at the national level, and the way we benchmark this value at the European level. Of course, healthcare cannot be reduced to mere statistics, but it deserves more than the sole costs numbers.

Furthermore, our country has undeniable industrial strengths: world-renowned practitioners, cutting-edge research facilities such as the Gustave Roussy Institute, Inria and the Atomic Energy and Alternative Energies Commission, innovative start-ups such as Medtech (a robotic surgery specialist) and world-class production sites and centers of expertise, such as General Electric’s mammogram equipment production site in Buc. However, we are not the only ones who want to develop this sector. There is little chance of France winning this worldwide competition without a truly industrial healthcare strategy.

                This is particularly true in the field of digital healthcare, where we need a strategy to develop not only infrastructure, but contents and uses as well. Regarding infrastructure, the problem has less to do with “technical” layers (networks or hosting solutions) than these layers’ interaction with equipment of diverse origins, not to mention change management to bring hospital professionals on board. When it comes to content and use, France rolls out four times fewer digital imagery systems than Denmark. We are closing the gap thanks to regional “cloud” projects, but it is essential to continue guiding and encouraging these projects at the national level.

                Rather than “cost disease,” our healthcare industry is suffering from a two-fold vision problem: it is both far-sighted, as it has trouble seeing its own advantages close-up, and short-sighted, as it is unable to make out a long-term industrial strategy that would help develop its strengths.

lundi, mars 04, 2013

Le système de santé est-il victime de la malédiction des coûts, ou d'une insuffisance d'évaluation ?


Il faut en 2012 autant de temps qu'au XVIIIe siècle pour exécuter un quatuor à cordes de Mozart. Et c'est pourquoi le prix des spectacles vivants ne baisse pas par rapport à celui de la plupart des produits qui connaissent des gains de productivité - ce que l'économiste William Baumol appelle la « malédiction des coûts ». Cette malédiction concerne les services qui reposent surtout sur le temps et le talent de professionnels - dans le cas de la santé, médecins, soignants et l'ensemble des personnels.

Pourtant, des avancées significatives ont été réalisées dans le traitement du cancer. Le développement des techniques chirurgicales permet des opérations moins invasives et avec moins de complications. L'imagerie numérique, combinée à des marqueurs spécifiques, permet de rendre les diagnostics plus sûrs et de mieux cibler les interventions. La révolution numérique médicale améliore autant la qualité que la productivité des soins. Elle bouleverse les techniques médicales (imagerie numérique ou robotique), le suivi des patients (l'analyse des données permettant de mieux cibler le suivi et d'en réduire les coûts) ou l'accès aux soins (le partage d'images médicales en réseau réduisant les doubles examens tout en offrant des solutions aux problèmes de désertification médicale).

Ces progrès sont malheureusement peu visibles : quand un ouvrier produit deux fois plus pour un salaire en hausse de 20 %, les statistiques enregistrent une hausse de la productivité. Si le système de santé réduit de 50 % la mortalité d'un cancer pour 5 % de coûts en plus, les statistiques n'enregistrent que la hausse des coûts. Plutôt que d'une malédiction des coûts, c'est de l'insuffisance de l'évaluation qu'est victime le système de santé ! Pour y remédier, il est nécessaire d'améliorer la mesure de la valeur apportée par les soins et la qualité ou la rapidité de prise en charge au niveau national, voire au niveau européen. Non que la santé puisse se réduire à des statistiques, mais parce qu'elle mérite mieux que le seul pilotage par les coûts.

Par ailleurs, notre pays dispose d'atouts industriels certains : des praticiens renommés mondialement, des établissements de recherche de pointe comme l'Institut Gustave Roussy, l'Inria ou le CEA, des start-up innovantes comme Medtech (spécialiste du robot chirurgical) ou des centres d'expertise et de production de classe mondiale, tels que ceux de General Electric à Buc pour la mammographie. Cependant, nous ne sommes pas seuls à vouloir développer ce secteur. Il est donc peu probable que la France gagne cette concurrence mondiale sans une véritable stratégie industrielle de santé.

C'est particulièrement vrai dans le domaine de la santé numérique, où nous avons besoin d'une stratégie développant à la fois les infrastructures, les contenus et les usages. S'agissant des infrastructures, le problème se situe moins au niveau des couches « techniques » (réseaux ou solutions d'hébergement) qu'au niveau de leur articulation avec des équipements de toutes origines et, surtout, de la conduite du changement assurant une adhésion des professionnels. S'agissant des contenus et des usages, le déploiement de dispositifs d'imagerie numérique est en France le quart de ce qu'il est au Danemark. Ce retard est en train d'être rattrapé grâce aux projets de « clouds » régionaux, mais le niveau national doit continuer à encourager et accompagner ces projets.

Plutôt que d'une malédiction des coûts, notre santé est donc davantage victime d'un double problème de vue : à la fois hypermétrope, car elle voit difficilement de près ses propres bénéfices, et myope avec des difficultés à voir au loin une stratégie industrielle permettant d'en développer les atouts.

Paru dans Les Echos le 4 mars 2013

lundi, février 25, 2013

Pour sortir de la crise, la fin du temps de l’innocence ?


Pour Warren Buffett - qui doit sa fortune à sa capacité à voir plus loin que le marché - la crise est la fin d’un cycle caractérisé par trois “i”. Une phase d’Innovation, où des chercheurs et des ingénieurs imaginent comment changer la vie à l’horizon d’une génération. Ensuite vient le temps de l’Imitation - le règne des commerciaux et des développeurs qui diffusent les produits imaginés par les précédents. Vient enfin le temps des Idioties, où des montages tarabiscotés font croire au monde - comme les financements structurés de l’ère des subprimes - que les arbres plantés par les innovateurs et développés par les imitateurs iront jusqu’au ciel. On pourrait ajouter le “i” des Innocents, qui payent alors le prix de la crise sous forme de chômage ou de perte d’opportunités professionnelles.

Face aux difficultés à joindre les deux bouts, notre pays en crise peine à se projeter dans l’avenir et à retrouver l’envie et les moyens à changer la vie de la prochaine génération. Paradoxalement, c’est pourtant là que réside le début du cycle et la sortie de crise, en débloquant trois leviers, collectifs, individuels et financiers.
Collectivement, il faut accepter un “devoir de vérité”. C’est l’esprit des accords compétitivité emploi, qui permettent d’ajuster les coûts plutôt que l’emploi. Ce sont les “stress test” des banques, la maitrise des déficits publics ou la fameuse “paille de fer” passée par les nouveaux dirigeants sur les comptes de leur entreprise. Car rien ne se construit sur des objectifs intenables ou des comptes faux.  Il faut ensuite retrouver une confiance collective suffisante pour construire à nouveau. Francis Fukuyama soulignait six critères communs à tous les groupes humains (pays, tribus … ou entreprises) caractérisés par une forte confiance mutuelle : l’existence de sous-groupe de taille humaine (tels les 50 personnes qui forment le chantier, brique élémentaire même dans les projets les plus gigantesques), l’existence de frontières nettes permettant de définir qui fait partie du groupe, l’intensité des relations en son sein, l’existence de valeurs et d’une culture commune, le niveau de justice entre les membres et, enfin, le niveau de transparence au sein du groupe. Autant de critères presque désuets à l’ère de la mondialisation, des amis facebook et des anonymous...

Individuellement, nous devons retrouver la capacité à construire l’avenir. Nous avons besoin d’entrepreneurs innovants pour inventer de nouveaux marchés. Mais nous avons également besoin d’intrapreneurs, qui vont bousculer les grandes entreprises ou les administrations. Car si certaines innovations naissent dans des startups, d’autres nécessitent une infrastructure ou des moyens qu’on ne trouve que dans des entreprises devenues grandes. L’ignorer c’est nous condamner à voir des innovations en France mais les développements à l’étranger.

Nous devons enfin donner des moyens à nos rêves. C’est vrai pour l’Etat, dont les investissements sont la première victime des réductions de déficit. Alors qu’il faudrait faire l’inverse : moins de déficits, mais plus d’investissements, autant pour préparer la croissance de demain que pour préserver celle d’aujourd’hui. Car le “multiplicateur” (l’augmentation de croissance induite par une hausse de dépenses) des investissements est de loin le plus élevé. C’est aussi vrai pour les entreprises, dont les dépenses de recherche pâtissent de la crise. A cet égard la stabilisation du crédit impôt recherche pour 5 ans est salutaire. L’appui au commerce extérieur l’est tout autant : aucune entreprise n’investissant sans marchés, il est nécessaire d’aller la chercher ailleurs la croissance qui nous fait défaut pour le moment.

Dans une économie où plus de la moitié des fonds des entreprises cotées viennent de l’étranger, ces derniers doivent enfin retrouver de notre pays une image davantage tournée vers l’avenir, et marquée par des valeurs plus positives qu’une taxe à 75 % ou les imprécations d’un fabricant de pneumatiques provocateur. Sans remettre en cause la solidarité envers les innocents touchés par la crise, la reprise ne viendra que lorsque nous arriverons à convaincre le monde de partager nos rêves d’avenir. Pour cela, commençons par mettre ces rêves au centre de nos débats !


samedi, février 23, 2013

Prix du carbone : le charbon brûle et nous regardons ailleurs...

Les émissions de CO2 ont des effets néfastes qui font l'objet d'un consensus large, notamment dans le fameux rapport Stern de 2006 qui a analysé le coût du changement climatique (voir aussi sur le site de la Nasa). Ce rapport avait été jugé alarmant. Or Lord Stern déclarait récemment que la situation était en fait bien pire qu'il l'avait analysé. Dans le même temps, malgré tous les discours sur l'énergie verte, les centrales à charbon tournent à plein régime en Europe, le prix du charbon (que les Etats-Unis exportent) devenant plus compétitif que le gaz (que les Etats-Unis n'exportent pas) ! Et ceci, dans l'indifférence générale compte tenu de la complexité des mécanismes en jeu...

Il y a quelques années, les émissions de CO2 n'étaient pas encadrées. Et, de fait, interdire purement et simplement les émissions de CO2 serait difficile car chacun en produit en respirant ! La voie la plus réaliste consiste donc à se concentrer sur les usages les plus importants ou pouvant être régulés (industrie, hydrocarbures,...) et les techniques permettant d'absorber le CO2 (la reforestation ou la capture et séquestration du carbone, qui consiste à absorber le CO2 produit par certaines industries pour éviter qu'ils ne soit émis dans l'atmosphère), en cherchant des mécanismes qui incitent chacun à produire moins de CO2 ou à compenser ses émissions de CO2, tout en évitant des effets trop négatifs du point de vue économique. Par ailleurs, les conséquences des émissions de CO2 sur le climat étant globales, tout effort porté dans un pays mais pas dans le reste du monde aurait pour seul effet de déplacer une partie des industries émettrices de CO2 (et les emplois qui vont avec) vers les pays les plus laxistes?

Consciente du problème, l'Europe a été la première à se doter d'un système visant à réduire les émissions,  l'ETS (Emission Trading System). Ce système est relativement complexe, car il vise à concilier deux objectifs contraires : donner des incitations aux gros émetteurs de CO2 à réduire leurs émissions, en évitant que cette contrainte ne soit ingérable du point de vue économique. Ce système couvre plus de 10.000 sites industriels, et définit pour l'ensemble de ces sites un objectif (décroissant) d'émissions de CO2. Chaque site reçoit des permis d'émission, et ceux qui dépassent les émissions prévues doivent acheter des permis, ceux qui émettent moins que prévu peuvent céder leur permis. La cible d'émissions étant ajustée au cours du temps, ce système permet donc de pousser les sites concernés à réduire leur émissions, tout en "minimisant la douleur" : cette réduction sera en effet concentrée sur les sites qui peuvent réduire à moindre coût (qui céderont leurs permis à ceux pour lesquels ces coûts seraient prohibitifs). Ce marché permet également de faire apparaître un "prix du carbone" (celui des permis d'émission) qui donne une valeur de repère pour ceux qui veulent inventer des techniques de réduction du CO2 et les proposer aux industriels.

La crise est cependant venu perturber ce système, puisque l'activité industrielle s'est fortement réduite, ce qui permet de remplir les objectifs d'émission avec moins d'efforts que prévu. Celà se traduit sur les prix du CO2, qui sont tombés à 4€ la tonne. A titre de comparaison une étude menée par Alain Quinet sur ce sujet montrait qu'émettre du CO2 devrait "coûter" environ 30 € la tonne pour arriver à un point où l'émetteur de CO2 paye pour les effets négatifs de ses émissions. Ce prix bas du carbone a des conséquences importantes : hausse des importations de charbon en Europe (facilitées par ailleurs par la baisse du prix du charbon) brûlé dans les centrales électriques, net ralentissement du développement d'énergies plus propres (gaz), arrêt de projets de recherche (notamment le stockage et la séquestion du CO2)...

Afin de tenter de "réparer" ce marché, la Commission Européenne a proposé, et obtenu un vote sur un système de "mise en réserve" des permis d'émissions, qui seront retirés du marché de façon temporaire. A ce jour, cette proposition n'a cependant eu qu'un effet modeste sur le prix du carbone.

Le résolution du problème n'en est donc qu'à ses débuts. Pour avancer il faudra
   - que d'autres zones que l'Europe se dotent de systèmes similaires, afin de permettre d'accélérer la contrainte sur les émissions sans risque de voir se déplacer ces industries dans les pays les plus laxistes. A cet égard les intentions des USA et de la Chine sont un très bon signal, mais qui doit être transformé..L'alternative serait une taxe sur le carbone importé (difficile à concilier avec les accords de libre échange) ou une taxe sur le carbone consommé (sorte de "tva carbone") ;
   - que le système évolue afin de conduire à un prix du CO2 "économique" (de l'ordre de 30 €/tonne), soit parce que le redémarrage économique ramène le prix sur la trajectoire initialement prévue, soit par une évolution de ce système (prix plancher, taxe complémentaire,...). A l'inverse, il est cependant nécessaire de donner enfin aux industriels un système stable, lisible et sans distorsions de compétitivité : les réformes devront être suffisamment profondes pour régler durablement le problème ;
   - enfin, et surtout, faire preuve de pédagogie à la fois sur les conséquences des émissions de CO2 (la crise a fait sortir la question du climat des débats, et rend les conséquences en termes d'emploi d'autant plus sensibles), et les enjeux certes complexes mais absolument essentiels des marchés de carbone.

Entretemps, la situation du climat ne va pas s'améliorer. Et on peut s'étonner que ce sujet semble beaucoup moins mobiliser que, par exemple, la taxe "Tobin", alors que l'efficacité de la réduction des émissions de carbone sur le climat fait nettement plus consensus que l'intérêt d'une taxe sur les transactions...