mercredi, décembre 26, 2007

Plus de social pour plus de compétitivité : le paradoxe de Sutton

John Sutton a publié dans la revue Progressive Politics une étude (traduit par la Fondation jean Jaures ici) essentielle à deux titres D'abord, elle donne une explication extrêmement claire de l'évolution de la mondialisation, et de son impact sur les économies des pays développés. Ensuite, elle explique, avec tout autant de clarté, comment cette évolution n'empêche en rien un pays tel que la France de mener une politique sociale ambitieuse.

Cette étude distingue trois phases dans la mondialisation. Dans la première, les exports des pays à bas coûts du travail sont essentiellement produits à partir de main d'œuvre peu qualifiée - du textile ou de l'habillement par exemple. Dans une deuxième phase, ils intègrent également de la main d'œuvre qualifiée, comme dans l'électronique grand public. La troisième phase correspond aux cas dans lesquels ces pays exportent aussi des produits très capitalistiques, dont le prix n'est plus lié au coût de la main d'œuvre. Ce que montre clairement l'étude de la fondation Jean Jaurès, c'est que les pays tels que l'Inde et la Chine ont depuis le début des années 1990 dépassé la troisième phase. Et, en effet, les activités informatiques sont en trains d'être délocalisées vers l'Inde, et c'est une entreprise chinoise, Lenovo, qui a mis la main sur l'activité de microordinateur d'IBM qui avait donné naissance au PC.

Dans ce contexte, certaines stratégies industrielles sont vouées à l'échec. D'abord, celles qui sont fondées sur l'idée – désormais fausse – qu'il existe des activités dans lesquelles les pays développés disposent d'un avantage absolu durable. S'il existe des entreprises françaises compétitives, elles le doivent de moins en moins à ce qu'elles produisent, et de plus en plus à la façon dont elles ont su évoluer pour rester compétitives. Les stratégies fondées sur le "nationalisme économique" sont également condamnées, car pour être compétitif au niveau mondial les entreprises doivent pouvoir disposer des meilleurs fournisseurs. Autrement dit, pour être compétitif à l'export, il faut être compétitif dans ses achats, et donc à l'importation.

Mais, même dans un contexte aussi compétitif, il n'y a pourtant pas de fatalité, et il reste possible de construire un modèle social généreux. Mais, sauf à tirer vers le bas le pouvoir d'achat national, la générosité de ce modèle ne peut plus se mesurer au niveau de stabilité des postes et des statuts (et notamment ceux de ses cadres supérieurs). Or c'est pourtant ce qui caractérise le modèle français, qui indemnise une fraction de l'ancien salaire au lieu d'accompagner vers le futur emploi, qui traite mieux les vieux que les jeunes, qui accompagne davantage les salariés de grands groupes que les salariés des PME ou les indépendants.

Ecoutons plutôt Sutton : nous pouvons avoir un modèle aussi généreux mais plus compétitif si cette générosité vise non pas la stabilité des postes, mais la recherche du meilleur emploi, c'est à dire l'identification pour chacun du meilleur compromis possible entre ce qu'il veut, ce qu'il peut et les diffférentes possibilités que pourrait lui offrir le marché du travail, au besoin après une formation (voir sur ce sujet le site www.supprimerlechomage.org). Mais pour valoriser ainsi la diversité et la créativité collective des Français, il y a sans doute un préalable : la diversité et à la créativité de nos responsables publics.

Toyota, premier constructeur automobile mondial

Toyota est devenu le premier constructeur automobile mondial, devant General Motors (Buick, Cadillac, Chevrolet, Daewoo, GMC, Holden, Hummer, Opel, Pontiac, Saturn, Saab, et Vauxhall).

Cette information est intéressante à au moins deux titres :

- d'abord, elle marque le retour en grace de l'industrie japonaise : qui se souvient des craintes américaines et européennes face au Japon dans les années 80 ? Ces craintes sont retombées avec l'envolé du cours du yen, puis l'effondrement de la bulle financière (confirmant au passage la malédiction selon laquelle faire la Une de la presse économique condamne à la faillite quelques années plus tard!). Dix années plus tard, c'est Renault qui venait au secours de Nissan et redressait avec succès l'entreprise. Dix ans de plus et c'est Toyota qui devient numéro un mondial !

- ensuite, elle illustre la nature des avantages comapratifs dans une économie mondialisée : la Japon n'est en effet pas un pays à bas coûts de main d'oeuvre.
(même s'il est vrai que les Etat-Unis ont dans le secteur automobile une convention collective très généreuse, la France étant quant à elle plutpot un pays à bas coût).
Si Toyota est compétitif, c'est pour deux raisons : d'abord Toyota exporte bien car elle sait bien importer (autrement dit, elle sait trouver les composants les moins couteux et les meilleurs pour rendre ses voitures compétitives).
Ensuite, les japonais ont su développer une supériorité en matière d'organisation, copiée depuis par le monde entier, mais dont Toyota peut être considéré comme "l'inventeur".

Autrement dit, on peut encore avoir, dans les pays développés, des champions industriels - dès lors que l'on a compris la leçon zéro de la performance dans une économie en concurrence :

- ne jamais chercher à faire soi-même ce que d'autres peuvent faire moins cher
- être très compétitif dans les tâches d'organisation et de conception.

Un pays ayant une tradition d'ingénieurs tels que la France (et de nombreux autres points communs avec le Japon) pourrait utilement s'en inspirer...

samedi, décembre 15, 2007

You are remembered for the rules you break

Gérer l'équilibre entre le long et le court terme : c'est la principale difficulté posée à beaucoup de décideurs.

Pour un chef d'entreprise : comment assurer le rendement demandé par ses actionnaires tout en investissant les montants nécessaires (formation, recherche, investissements,...) pour préparer les profits de demain ? Comment résister à la tentation des "modes" (de la bulle internet, à la folie des subprimes en passant par les investissements dans des zones prometteuses sur le papier, mais ruineuses en pratique) tout en gardant une crédibilité suffisante pour conserver son poste ?

Pour un homme politique : comment répondre aux demandes - souvent pressantes - de l'opinion publiques (pouvoir d'achat, sécurité dans les ascenceurs, lutte contre les chiens dangereux...) tout en assurant l'avenir (éducation, recherche, maitrise de la dette) ? Comment garder une popularité suffisante pour rester en place tout en rendant publiques les incohérences collectives ou les "mythes ruineux" qui bloquent le progrès du pays (tels que la croyance dans une martingale pour régler le manque de financement des retraites sans devoir un jour réduire les pensions ou augmenter les cotisations) ?

Pour cette raison, ceux d'entre eux qui font le meilleur travail sont rarement les plus populaires - trancher des questions difficiles, rendre publics les non-dits qu'une société se refuse d'assumer sont rarement des sources de popularité immédiate. Mais le bilan s'inverse à long terme : comme le soulignait le Général Mac Arthur "You are remembered for the rules you break" - ce que l'on pourrait traduire par "Seules les ruptures laissent des traces dans l'histoire"...