Alors que les perspectives de croissance s’assombrissent et les regards se tournent vers les prévisionnistes, rares sont ceux qui interrogent les entreprises sur ce qu’il leur manque pour se développer. On gagnerait pourtant à écouter un boulanger sur les conditions à sa croissance : d’abord des clients qui peuvent et veulent acheter son pain, ensuite les ingrédients (farine, sel, eau…) et le personnel nécessaire, et enfin une liberté suffisante pour mener son activité – par exemple des normes alimentaires qui le laissent innover. Une multinationale ne demanderait pas autre chose : une demande solide (consommation, investissements, exportations…), des facteurs de production de bon niveau (ressources humaines, matières premières, infrastructures,…) et des « catalyseurs de croissance » (réglementation adaptée, services publics aux entreprises de qualité…).
Sur tous ces éléments, des réformes sont nécessaires pour accélérer notre croissance. Mais elles donnent l’impression d’avoir été oubliées dans les plans successifs, pour de bonnes et de moins bonnes raisons. La bonne raison, c’est que le débat s’est pour le moment focalisé sur deux sujets, le financement et la monnaie, absolument critiques à court terme.
Et les mauvaises raisons ? La première tient à la difficulté du choix : par quelle partie de la demande, des facteurs de production et de la réglementation faut-il commencer ? Pour ce type de choix, les entreprises disposent de processus stratégiques bien rôdés, alors que les Etats ont vu s’affaiblir leurs capacités à planifier, ce qui les pousse à une gestion séquentielle des problèmes en fonction de l’urgence, sur laquelle les pays européens s’accordent plus facilement. Cette séquence présente une limite : les réformes importantes (éducation, marché européen du travail, innovation, transition énergétique,…) prenant du temps, il faut les engager au plus tôt – en fait, il faudrait déjà l’avoir fait !
La deuxième mauvaise raison de l’absence des réformes dans le débat est que la crise financière offre des boucs émissaires, pas tous innocents, à la faible croissance européenne qui nous dispensent d’une analyse de ses causes profondes. Or certaines causes renvoient aux fondements du modèle de croissance européen : la concurrence et le marché unique ont permis de renforcer la productivité des secteurs qui y ont été soumis. Mais ce n’a pas été le cas pour les services publics, généralement en monopole. Or ce dernier pèse en Europe plus de 50% du PIB et régule l’autre moitié. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en concurrence les crèches européennes, c’est l’évaluation du service et la comparaison européenne qui auraient dû jouer ce rôle. Mais les initiatives de ce type, Pisa pour l’éducation ou Shanghai pour la recherche, sont surtout venues d’ailleurs : le projet de croissance européen a oublié la moitié du PIB ! Lors des prochains plans, les Etats doivent donc assumer pleinement leur rôle de « catalyseurs de croissance », et accepter d’évaluer et de piloter leurs services en fonction de la valeur ajoutée aux usagers, citoyens ou entreprises.
La dernière mauvaise raison de l’absence du débat sur les réformes tient sans doute aux entreprises elles-mêmes. Confrontées à un contexte difficile, conscientes que seuls les Etats et la banque centrale peuvent stabiliser la situation financière, les entreprises n’ont pas exprimé leur vision de ce qui bloque leur croissance, et des solutions à ces blocages compatibles avec l’intérêt général et l’état des finances publiques. C’est ce silence que nous appelons les entreprises européennes à briser !
(Paru dans Les Echos le 7 aout 2012)
Sur tous ces éléments, des réformes sont nécessaires pour accélérer notre croissance. Mais elles donnent l’impression d’avoir été oubliées dans les plans successifs, pour de bonnes et de moins bonnes raisons. La bonne raison, c’est que le débat s’est pour le moment focalisé sur deux sujets, le financement et la monnaie, absolument critiques à court terme.
Et les mauvaises raisons ? La première tient à la difficulté du choix : par quelle partie de la demande, des facteurs de production et de la réglementation faut-il commencer ? Pour ce type de choix, les entreprises disposent de processus stratégiques bien rôdés, alors que les Etats ont vu s’affaiblir leurs capacités à planifier, ce qui les pousse à une gestion séquentielle des problèmes en fonction de l’urgence, sur laquelle les pays européens s’accordent plus facilement. Cette séquence présente une limite : les réformes importantes (éducation, marché européen du travail, innovation, transition énergétique,…) prenant du temps, il faut les engager au plus tôt – en fait, il faudrait déjà l’avoir fait !
La deuxième mauvaise raison de l’absence des réformes dans le débat est que la crise financière offre des boucs émissaires, pas tous innocents, à la faible croissance européenne qui nous dispensent d’une analyse de ses causes profondes. Or certaines causes renvoient aux fondements du modèle de croissance européen : la concurrence et le marché unique ont permis de renforcer la productivité des secteurs qui y ont été soumis. Mais ce n’a pas été le cas pour les services publics, généralement en monopole. Or ce dernier pèse en Europe plus de 50% du PIB et régule l’autre moitié. Il ne s’agit évidemment pas de mettre en concurrence les crèches européennes, c’est l’évaluation du service et la comparaison européenne qui auraient dû jouer ce rôle. Mais les initiatives de ce type, Pisa pour l’éducation ou Shanghai pour la recherche, sont surtout venues d’ailleurs : le projet de croissance européen a oublié la moitié du PIB ! Lors des prochains plans, les Etats doivent donc assumer pleinement leur rôle de « catalyseurs de croissance », et accepter d’évaluer et de piloter leurs services en fonction de la valeur ajoutée aux usagers, citoyens ou entreprises.
La dernière mauvaise raison de l’absence du débat sur les réformes tient sans doute aux entreprises elles-mêmes. Confrontées à un contexte difficile, conscientes que seuls les Etats et la banque centrale peuvent stabiliser la situation financière, les entreprises n’ont pas exprimé leur vision de ce qui bloque leur croissance, et des solutions à ces blocages compatibles avec l’intérêt général et l’état des finances publiques. C’est ce silence que nous appelons les entreprises européennes à briser !
(Paru dans Les Echos le 7 aout 2012)