Derrière les interrogations sur la capacité des Etats à financer leurs dépenses apparaît de plus en plus la question du retour de la croissance économique. Deux approches complémentaires répondent à cette question. La première approche est celle qui ressort des modèles macroéconomiques. La croissance s'en déduit de variables telles que les taux, la croissance mondiale ou les dépenses publiques. Elle restera faible tant que le contexte sera incertain, pour rejoindre ensuite une « croissance potentielle » mal connue, jadis de 3 %, depuis ramenée à 2 % par réalisme.
Dans la deuxième approche, « microéconomique », ce n'est pas la croissance qui fait l'emploi, mais l'inverse. On peut y « battre les prévisions » : tout demandeur d'emploi qui accède à une activité utile économiquement augmente le PIB d'autant. 350.000 demandeurs le font et c'est plus 0,5 point de croissance. Dans cette approche les « créateurs » ont un rôle crucial : ils vont inventer des produits ou des services qui vont au-delà de l'augmentation « mécanique » de la croissance. La première approche dépend des actes de grands décideurs ; la seconde nécessite une large classe créative, composée de ceux qui, scientifiques, artistes, ingénieurs, architectes ou fonctionnaires, inventent ou permettent à de nouvelles idées, de nouveaux produits ou de nouvelles organisations de prendre forme.
Cette classe créative comprend également les personnes en « recherche active d'emploi », occupées (seules ou accompagnées) à créer leur future activité - salariée ou non. Les personnes qui prennent le risque de quitter un secteur en déclin pour un secteur d'avenir créent autant que l'entreprise qui les accueille !
Alors que les leviers macroéconomiques (dont les dépenses publiques) échappent largement aux Etats, le développement de la classe créative apparaît comme une nécessité. Il suppose trois éléments :
- un écosystème favorable, où les idées nouvelles naissent et prospèrent, notamment par la rencontre de compétences diverses (créatifs, designers, scientifiques, entrepreneurs,...), la capacité à y allouer le temps nécessaire et une propension à l'irrévérence ;
- des infrastructures, où se combinent et se croisent idées, matériels et compétences, tels l'accès à des réseaux de communication ou au financement et la capacité de créer et d'administrer simplement une entreprise ou de faire appliquer le droit ;
- des débouchés, où la création peut être valorisée économiquement ou socialement et atteindre sans barrière un marché aussi large que possible (local, national, européen ou mondial).
En matière de recherche et d'enseignement, ces principes supposent de viser l'échelle européenne et mondiale, et d'accepter - sans en ignorer les limites -l'enseignement en anglais et les classements internationaux. Pour puiser dans un vivier large de talents, les Européens doivent s'unir. La Chine ou les Etats-Unis ont 15 millions d'étudiants alors que la France seule n'en compte que 2,2. En matière de partenariats de recherche, il faut travailler avec les entreprises - y compris étrangères -capables de porter nos innovations aussi loin que possible. C'est le concept d'économie « Roland-Garros » : attirer des champions mondiaux, français ou non, pourvu qu'ils créent de la valeur ajoutée en France !
Pour permettre à plus de demandeurs d'emploi de faire partie de cette « classe créative », il faut développer la recherche active : lorsqu'ils perdent un emploi dans un secteur en déclin, les demandeurs n'ont souvent pas le réseau ni les outils pour trouver où et dans quel secteur ils seraient les plus utiles. Le système public doit à tous cette aide, et viser autant la recherche d'emplois salariés que l'aide à la création de nouvelles activités ou d'auto-entreprises. Et il doit être évalué en priorité sur ces missions.
La noirceur des prévisions ne doit pas nous cacher l'essentiel : la croissance dépend certes du contexte mondial ou de la gouvernance européenne, mais elle dépend aussi beaucoup de notre capacité collective à trouver à chacun la meilleure activité possible. Et les réformes qui le permettront ne dépendent que de nous.
Vincent Champain (flt@champain.net), économiste, anime la fondation pour le long terme de l'Institut de l'entreprise.
Antoine Petit est universitaire et directeur général adjoint d'Inria.
mercredi, février 29, 2012
samedi, février 25, 2012
Cout du travail, mythes et réalité
1) La France a bien un coût du travail dans la moyenne haute des pays européens
Le graphique suivant montre le coût du travail horaire en Europe en 2008 (dernière date connue) selon Eurostat. La France est apparaît en tête des pays qui disposent d'une base industrielle forte (Allemagne, UK, Italie). La TVA sociale y a un impact : pour un salaire de l'ordre de 2 SMICs, elle réduit le coût de 5 points, ce qui fait passer le coût français après le coût allemand.
Comme le montre le graphique, ce n'est pas considérable si on le rapporte à l'ensemble du coût, mais l'impact symbolique est là : pour les projets sur lesquels France et Allemagne présentent un écosystème comparable, la France sera désormais préférable à l'Allemagne.
2) Évidemment, la TVA sociale a un effet plus réduit sur la concurrence avec les pays à bas coûts
Si l'on ajoute à la comparaison les pays à bas coûts (graphique ci-après), l'impact de la TVA sociale est beaucoup plus négligeable. En effet,l'écart de compétitivité avec des pays tels que la Chine se réglera avant tout par une convergence des salaires, plus avancée d'ailleurs que beaucoup ne le pensent : le salaire de base d'un ouvrier Foxconn en Chine (qui réalise notamment l'assemblage des I-Phones) est comparable à celui des pays d'Europe de l'Est les moins coûteux.
Si l'on extrapole à horizon 2025 et même 2035 (cf graphique ci-après) l'écart d'évolution des salaires constatée entre Shenzhen et la France, on voit que l'écart de coût devrait se réduire très significativement dans la génération à venir. Autrement dit, nos enfants vont connaître les relocalisations !
3) La compétitivité coût du site France est un enjeu qu'on ne peut écarter
On notera, même après TVA sociale, le taux de prélèvements pesant sur le travail reste en France très élevé (ce qui est en partie compensé par des salaires plus bas). Et c'est bien cela qui est visé par une baisse des cotisations : ramener notre taux très élevé de cotisations employeurs à un niveau plus proche de la moyenne des pays comparables.
Car le problème est bien là : des prélèvements qui pèsent en France plus sur le travail que la moyenne des pays comparables. Avec un double effet :
une distorsion défavorable à l'activité (le coût du travail étant l'une des plus mauvaises assiettes pour faire porter des prélèvements, en raison des effets sur le chômage, notamment pour les bas salaires)
une perte de compétitivité. Pour la plupart de ses activités/produits, la France est en concurrence avec des pays comparables, et les augmentations de coûts se traduisent par moins d'activité dans les secteurs en concurrence. Et parmi ces coûts, les salaires, les taxes et la simplicité de l’environnement réglementaire (lourdeur et prévisibilité des règles notamment fiscales ou sociale) sont les plus regardés, car ils sont à la fois les plus visibles, et ceux dont les investisseurs savent qu'ils sont les plus susceptibles d'évoluer d'un pays à l'autre.
En revanche, il est également vrai que la compétitivité hors coûts joue également, notamment dans les secteurs innovants, ou ceux qui peuvent éviter la concurrence frontale sur les coûts, notamment parce qu'ils sont capitalistiques (dans une partie de l'industrie, le coût du travail n'est pas le premier facteur de coût), ou parce qu'ils reposent sur de la propriété intellectuelle ou un savoir-faire difficile à dupliquer (cf graphique ci-dessous).
Le graphique suivant montre le coût du travail horaire en Europe en 2008 (dernière date connue) selon Eurostat. La France est apparaît en tête des pays qui disposent d'une base industrielle forte (Allemagne, UK, Italie). La TVA sociale y a un impact : pour un salaire de l'ordre de 2 SMICs, elle réduit le coût de 5 points, ce qui fait passer le coût français après le coût allemand.
Comme le montre le graphique, ce n'est pas considérable si on le rapporte à l'ensemble du coût, mais l'impact symbolique est là : pour les projets sur lesquels France et Allemagne présentent un écosystème comparable, la France sera désormais préférable à l'Allemagne.
2) Évidemment, la TVA sociale a un effet plus réduit sur la concurrence avec les pays à bas coûts
Si l'on ajoute à la comparaison les pays à bas coûts (graphique ci-après), l'impact de la TVA sociale est beaucoup plus négligeable. En effet,l'écart de compétitivité avec des pays tels que la Chine se réglera avant tout par une convergence des salaires, plus avancée d'ailleurs que beaucoup ne le pensent : le salaire de base d'un ouvrier Foxconn en Chine (qui réalise notamment l'assemblage des I-Phones) est comparable à celui des pays d'Europe de l'Est les moins coûteux.
Si l'on extrapole à horizon 2025 et même 2035 (cf graphique ci-après) l'écart d'évolution des salaires constatée entre Shenzhen et la France, on voit que l'écart de coût devrait se réduire très significativement dans la génération à venir. Autrement dit, nos enfants vont connaître les relocalisations !
3) La compétitivité coût du site France est un enjeu qu'on ne peut écarter
On notera, même après TVA sociale, le taux de prélèvements pesant sur le travail reste en France très élevé (ce qui est en partie compensé par des salaires plus bas). Et c'est bien cela qui est visé par une baisse des cotisations : ramener notre taux très élevé de cotisations employeurs à un niveau plus proche de la moyenne des pays comparables.
Car le problème est bien là : des prélèvements qui pèsent en France plus sur le travail que la moyenne des pays comparables. Avec un double effet :
une distorsion défavorable à l'activité (le coût du travail étant l'une des plus mauvaises assiettes pour faire porter des prélèvements, en raison des effets sur le chômage, notamment pour les bas salaires)
une perte de compétitivité. Pour la plupart de ses activités/produits, la France est en concurrence avec des pays comparables, et les augmentations de coûts se traduisent par moins d'activité dans les secteurs en concurrence. Et parmi ces coûts, les salaires, les taxes et la simplicité de l’environnement réglementaire (lourdeur et prévisibilité des règles notamment fiscales ou sociale) sont les plus regardés, car ils sont à la fois les plus visibles, et ceux dont les investisseurs savent qu'ils sont les plus susceptibles d'évoluer d'un pays à l'autre.
En revanche, il est également vrai que la compétitivité hors coûts joue également, notamment dans les secteurs innovants, ou ceux qui peuvent éviter la concurrence frontale sur les coûts, notamment parce qu'ils sont capitalistiques (dans une partie de l'industrie, le coût du travail n'est pas le premier facteur de coût), ou parce qu'ils reposent sur de la propriété intellectuelle ou un savoir-faire difficile à dupliquer (cf graphique ci-dessous).
Rendement des placement : faites confiance aux frais !
Les analystes qui suivent les rendements des fonds savent que la très grande majorité du temps, c'est le niveau des frais qui fait la performance sur le long terme (les écarts annuels de performance étant essentiellement aléatoires, les fonds gagnants d'une année étant les perdants de l'année suivante). Vérification en France :
mardi, février 21, 2012
Le SMIC en Chine (Shenzhen) en dessous des plus bas SMIC européens
Smic à Shenzhen : 240 US Dollars/mois http://news.yahoo.com/china-sets-target-average-13-percent-annual-minimum-065914919.html
Deux pays européens (de l'Est) sont en dessous : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/index.php?title=File%3AMW_EUR_Jan_2012.png&filetimestamp=20120210111747e
NB : Cette comparaison ne tient pas compte du temps de travail...
Deux pays européens (de l'Est) sont en dessous : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/index.php?title=File%3AMW_EUR_Jan_2012.png&filetimestamp=20120210111747e
NB : Cette comparaison ne tient pas compte du temps de travail...
dimanche, février 19, 2012
Combien de temps faut-il attendre avant que la croissance revienne ?
Pas de réponse automatique à cette question, et les cas présentés ci-après ne traduisent pas de causalité stricte (et on pourrait discuter des conséquences sociales ou en termes de qualité du service public des réformes UK) mais :
a) Sans réformes de fond celà peut être long (20 ans au Japon)
b) Avec des réformes "fortes" (Hartz en Allemagne, Thatcher en UK) on peut avoir des changements en quelques années
a) Sans réformes de fond celà peut être long (20 ans au Japon)
b) Avec des réformes "fortes" (Hartz en Allemagne, Thatcher en UK) on peut avoir des changements en quelques années
dimanche, février 12, 2012
La Chine ou l'Europe, qui pèse le plus économiquement ?
Si la Chine connait une croissance très élevée (10 % en 2010), elle reste d'une taille un peu moins de 3 fois plus petite que l'Europe. Au total - en dehors des périodes de récession - la Chine, l'Europe et les Etats-Unis ont en ce moment une contribution équivalente à la progression de la richesse mondiale. L'impact de la Grèce est marginal : si elle connaissait une croissance de -100%, celà ne réduirait la croissance européenne que de 1,8 points, et la croissance mondiale de 0,5 points.
A plus long terme, la Chine prendra évidemment la tête du peloton, et finira par dépasser en taille comme en croissance...
A plus long terme, la Chine prendra évidemment la tête du peloton, et finira par dépasser en taille comme en croissance...
samedi, février 04, 2012
L'immobilier à Paris, ca ne peut pas baisser !
L'immobilier est le premier actif des français. Et un placement refuge particulièrement prisé dans les périodes de doutes sur les autres actifs.
Peut-on pour autant prédire que "l'immobilier ne baissera jamais" "l'offre est de toutes façons inférieure à la demande" "Paris est différent du reste de la France" ?
A vous de juger !
Peut-on pour autant prédire que "l'immobilier ne baissera jamais" "l'offre est de toutes façons inférieure à la demande" "Paris est différent du reste de la France" ?
A vous de juger !
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