On a vu çà et là des débats suite à l'annonce de la mise en place de "tableaux de bord ministériels", précisant les objectifs fixés à chaque ministère.
Notons d'abord que cette proposition est entièrement cohérente avec le politique "de résultats" (revendiquée d'ailleurs à gauche comme à droite), présentée lors de la campagne, qui a sans doute eu un effet significatif sur le résultat des élections.
De quoi s'agit-il ? De mettre en place un système de suivi, certainement pas un système scolaire visant à donner des bons et des mauvais point, mais plutot un "systeme de suivi de la performance" permettant de voir ce qui va, ce qui ne va pas, et de poser des questions quand les objectifs ne sont pas atteints : les moyens sont-ils insuffisants ? Les objectifs doivent ils être adaptés à la conjoncture ? La méthode de mise en oeuvre est-elle à revoir ? Une expertise extérieur doit-elle être utilisée ?
Sur ce sujet il faut éviter les débats trop théoriques, et raisonner de façon pragmatique.
Historiquement, les politiques étaient-ils plus jugés sur les annonces que les résultats ? Reponse, oui.
Est-ce un problème qui mérite d'être changé ? Reponse, oui. La crédibilité des politiques, mais surtout la qualité du service public en dépendent.
Les mesures prises vont-elles dans le bon sens ? Reponse, oui :
- les programmes présidentiels ont été chiffrés (chiffrage qui présente sans doutes des limites, compte tout référentiel comptable, mais qui reste préférable à l'absence de chiffrage)
- les ministres vont être davantage impliqués sur leurs lois de reglement (ie, défendre leurs resultats au regard des critères fixés par la "LOLF", qui associe désormais au montant des crédits accordés par le parlement des indicateurs de résultats)
- ils disposent d'une feuille de route (les lettres du président de la République et du Premier Ministre aux différents ministres)
- la mise en oeuvre de leurs politiques sera jugée sur la base d'objectifs précis, ce qui n'exclut évidemment pas un regard plus large, qui ne manqueront pas de porter les différents contre-pouvoirs (presse, opposition dont les pouvoir sont renforcés notamment à la commission des finances de l'assemblée nationale, Cour des Comptes,...) pour éviter de sombrer dans une "politique du chiffre". Et ce qui ne préjuge pas des solutions à apporter quand les objectifs ne sont pas atteint - cellule de crise, renforcement des moyen, changement de méthode, réappréciation des objectifs...
Est-ce un "déni de démocratie" substituant à la sanction du vote un contrôle "technocratique" ? Certainement pas : les électeurs resteront les seuls juges. Simplement, fait nouveau, ils disposeront d'éléments plus précis pour constituer leur jugemeent : qui peut regretter qu'on lui donne une information supplémentaire ?
Le systeme peut-il etre amelioré en théorie ? Reponse : forcément oui mais il vaut mieux avoir des améliorations réelles tout de suite, qu'une systeme théoriquement parfait, mais jamais : ce qui marche n'est en general pas d'une complexité folle (les systemes de productions à flux tendus de l'automobile tournent en grande partie sur des cartes en carton et des caisses en bois, les systemes informatiques complexes ayant montre leur inadaptation).
Risque-t-on un jour d'avoir le probleme inverse de la situation actuelle (ie, un systeme public trop focalisé sur le résultat chiffré) ? C'est difficile à dire. Mais actuellement le probleme est plutot l'excès inverse !
Reste une question : pourquoi ce débat ? Il marque sans doute les tensions liées au passage d'un monde à un autre : celui où la politique consiste à faire des annonces, et où les contrepouvoir les critiquent, à un monde où la politique consiste à fixer, puis à remplir des objectifs, et où les contrepouvoirs doivent les contre-expertiser. A cet égard, il est amusant de constater davantage de critiques des seconds que des premiers, un peu comme si la remise en cause de leur propre rôle leur posait des difficultés...
Sur ce sujet, je vous invite à lire le très intéressant livre de Michael Barber : Instruction to Deliver