Le débat sur les chiffres du chômage m’a amené à évoquer, sur France Culture, l’idée d’une commission d’enquête afin de lever les doutes suscités par cette polémique. Cette proposition a amené un certain nombre de commentaires, qui m’amènent à donner quelques précisions.
D’abord, je voudrais préciser l’idée qu’il y avait derrière cette commission d’enquête : il ne s’agissait pas d’une suspicion sur une institution – l’INSEE – ou sur une personne – son directeur général. La réputation d’indépendance de l’INSEE et de ses membres est forte, et j’ai à titre personnel plusieurs exemples de « résistance » de l’INSEE face à des pressions politiques, et peu d’exemples d’allégeance.
Il s’agissait, au contraire, d’amener rapidement dans ce débat trois choses essentielles : la transparence sur ce qui s’est réellement passé, l’introduction de contrepouvoirs dans un débat qui ne doit pas se limiter à un débat d’experts, et une mesure forte et symbolique, traduisant l’importance donnée à la qualité et à l’indépendance des statistiques – afin de tuer dans l’œuf tout soupçon de manipulation.
Car au-delà du débat – récurrent dans toute campagne - sur les chiffres et la réalité qu’ils mesurent, nous avons plusieurs questions de fond. Premier problème, nous sommes l’un des rares pays européens dans lesquels l’institut statistique ne dispose pas d’une indépendance garantie par la loi : le directeur général de l’INSEE et nommé – et révocable – par le ministre de finances. Même si, en pratique, les directeurs généraux de l’INSEE ont une durée de vie élevée, ils ne disposent pas des garanties sur la durée de leur mandat qui sont données aux présidents d’autres institutions dites « indépendantes ».
Deuxième problème, l’INSEE ne dispose pas de réel contrepouvoir, comme le serait, par exemple, un organe de surveillance constitué de personnalités qualifiées (y compris des parlementaires de tout bord et des représentants syndicaux) et qui aurait pour vocation de trancher les débats tels que celui de la modification de la date de publication des chiffres du chômage. Certes, il existe un Conseil National de l’Information Statistique, qui réunit des experts et qui se réunit régulièrement. Dans la pratique, l’INSEE a donné au CNIS de nombreuses précisions sur les raisons qui l’ont poussé à modifier la date de publication du taux de chômage au sens du BIT. Mais l’absence d’un contrepouvoir laissait l’INSEE seule face à une décision de savoir si, compte tenu des questions de méthodologie posées par les statisticiens, il fallait reporter cette statistique, ou la diffuser immédiatement accompagnée de précisions méthodologiques.
Troisième problème, le débat politique est riche en lettres et en petites phrases, mais manque souvent de chiffres. De la même façon, le débat sur les statistiques reste extrêmement décevant. Or c’est le débat démocratique devrait définir les objectifs poursuivis (notamment en matière d’emploi et de chômage), et donc indirectement ce qui doit être mesuré. En effet, réduire le chômage en catégorie 1 n’est pas un objectif pertinent, car il peut être atteint par des radiations, des emplois aidés non qualifiants ou beaucoup d’autres moyens. Suivre cette statistique au mois le mois n’a pas grand sens si on ignore l’évolution du nombre d’emplois précaires, du nombre de salariés sur un emploi déclassé, de chômeurs découragés, de chômeurs sans perspectives précises. Ce dernier débat ne concerne pas directement l’INSEE : l’INSEE est là pour mesurer correctement les statistiques. Il concerne le politique, la façon dont il précise ses objectifs, et la façon dont sont mis en place les outils de mesure permettant de vérifier, démocratiquement, que ce qui a été promis sera fait.
A ces trois problèmes, il est nécessaire d’apporter des solutions de court terme (afin de tuer dans l’œuf tout doute sur la qualité des statistiques). Mais le plus important est surtout des solutions de long terme : donner à l’INSEE une indépendance inscrite dans la loi, la doter de contrepouvoirs (sous la forme d’un organe de surveillance), et avoir un vrai débat sur ce que les français veulent, en matière de chômage mais pas uniquement, afin que le système statistique fournisse tous les éléments nécessaires au débat démocratique.
Au total, la polémique sur les chiffres du chômage ne doit pas escamoter le plus important : la nécessité d'un véritable débat sur ce qui doit être mesuré (et sur quoi les candidats doivent rendre des comptes)...
jeudi, mars 15, 2007
lundi, mars 12, 2007
Une émission sur les chiffres du chomage
Je suis passé sur France Culture ce jour sur l'épineuse question des chiffres du chomage : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/grain/
dimanche, mars 04, 2007
Financement des projets présidentiels, ou comment détruire des emplois avec des mesures qui en créent
Francois Bayrou propose dans son projet d'exonérer de charges les deux premières embauches réalisées par toute entreprise.
Prise isolément, cette proposition aura nécessairement un effet positif sur l'emploi : en effet, même s'il est clair que ce type d'aide génère toujours des effets d'aubaine (beaucoup d'entreprises créent des emplois, et bénéficieront de cette aides pour des emplois qu'elles auraient créés de toutes facons), il n'en reste pas moins que le coût de ces embauches étant réduit (de 20 à 30 %), un certain nombre d'entreprises y auront recours pour des projets qu'elles n'auraient pas réalisés en temps normal.
Peut-on considérer pour autant que ce projet va créer des emplois ? En fait non, et c'est sans doute le contraire qui va se réaliser. En effet Francois Bayrou que l'une des sources de financement de son programme est la réduction des exonérations de cotisations sur les bas salaires. Or ces mesures sont, en matière d'exonération de cotisations, les dispositifs qui ont le rapport cout/emploi créé le plus favorable : en effet, elle ne concernent que les salaires les plus bas, pour lesquels le cout d'exonération par salarié est le plus faible, et pour lesquels l'impact d'une baisse de charge sur le niveau de l'emploi est le plus fort. En effet, l'embauche d'un salarié peu qualifié est plus facile à remplacer par une délocalisation ou une automatisation, et est contrainte par l'existence d'un salaire minimum, contrairement à celle d'un cadre supérieur : baisser le cout n'a donc pas grand effet sur la décision d'embauche dans le second cas, contrairment au premier.
Autrement dit la proposition de Francois bayrou reviendra à remplacer en partie une exonération relativement efficace (les exonérations sur les bas salaires) par une exonération qui aura sans doute un effet, mais moindre que l'exonération qu'il supprimera en contrepartie. Au total, l'effet sur l'emploi sera négatif (sans parler de l'effet lié à la création d'une exonération spéficique supplémentaire, s'ajoutant à une panoplie illisible d'environ une cinquantaine de dispopsitifs différents). Enfin, comme le signale justement Jean Pisani , on réduire également l'effet emploi des exonérations en donnant aux entreprise s le signal que, décidément, les aides accordées pour une embauche ne sont pas pérenne, et qu'il ne faut pas trop compter dessus dans ses décisions d'embauche à long terme.
Voilà comment ce projet va détruire des emplois en donnant l'impression d'en créer !
Prise isolément, cette proposition aura nécessairement un effet positif sur l'emploi : en effet, même s'il est clair que ce type d'aide génère toujours des effets d'aubaine (beaucoup d'entreprises créent des emplois, et bénéficieront de cette aides pour des emplois qu'elles auraient créés de toutes facons), il n'en reste pas moins que le coût de ces embauches étant réduit (de 20 à 30 %), un certain nombre d'entreprises y auront recours pour des projets qu'elles n'auraient pas réalisés en temps normal.
Peut-on considérer pour autant que ce projet va créer des emplois ? En fait non, et c'est sans doute le contraire qui va se réaliser. En effet Francois Bayrou que l'une des sources de financement de son programme est la réduction des exonérations de cotisations sur les bas salaires. Or ces mesures sont, en matière d'exonération de cotisations, les dispositifs qui ont le rapport cout/emploi créé le plus favorable : en effet, elle ne concernent que les salaires les plus bas, pour lesquels le cout d'exonération par salarié est le plus faible, et pour lesquels l'impact d'une baisse de charge sur le niveau de l'emploi est le plus fort. En effet, l'embauche d'un salarié peu qualifié est plus facile à remplacer par une délocalisation ou une automatisation, et est contrainte par l'existence d'un salaire minimum, contrairement à celle d'un cadre supérieur : baisser le cout n'a donc pas grand effet sur la décision d'embauche dans le second cas, contrairment au premier.
Autrement dit la proposition de Francois bayrou reviendra à remplacer en partie une exonération relativement efficace (les exonérations sur les bas salaires) par une exonération qui aura sans doute un effet, mais moindre que l'exonération qu'il supprimera en contrepartie. Au total, l'effet sur l'emploi sera négatif (sans parler de l'effet lié à la création d'une exonération spéficique supplémentaire, s'ajoutant à une panoplie illisible d'environ une cinquantaine de dispopsitifs différents). Enfin, comme le signale justement Jean Pisani , on réduire également l'effet emploi des exonérations en donnant aux entreprise s le signal que, décidément, les aides accordées pour une embauche ne sont pas pérenne, et qu'il ne faut pas trop compter dessus dans ses décisions d'embauche à long terme.
Voilà comment ce projet va détruire des emplois en donnant l'impression d'en créer !
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