"To invent, you need a good imagination and a pile of junk." - Thomas Edison
Savez-vous comment est né le World Wide Web ? Pas des laboratoires de recherche militaire américains (ils ont plutôt développé le précurseur du réseau Internet, qui permet à un ensemble d’ordinateurs de se connecter pour créer un réseau). Pas des startups californiennes (elles ont essentiellement développé des applications une fois le web lancé). Pas des géants de l’informatique (même si Xerox avait eu des initiatives intéressantes, leur apport s’est essentiellement concentré dans le développement d’ordinateurs personnels bon marché). Pas des plans d’investissements publics centrés sur les réseaux (ils se sont essentiellement concentré sur les réseaux universitaires et militaires).
Non, le web est né d’une initiative d’un contractuel d’un laboratoire de recherche européen (le Cern), qu’un contrôle de gestion rigoureux aurait freinée, si ce n’est empêchée : dans un laboratoire censé consacré ses moyens à la recherche nucléaire, Tim Berners-Lee réussit en effet à faire financer un projet consacré à un projet consacré à un nouveau langage hypertexte (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tim_Berners-Lee). Pour schématiser à l’extrême : l’une des évolutions les plus importantes pour la diffusion de la connaissance, l’innovation ou le travail en groupe est née du fait que des chercheurs ont pu, sur leur temps de travail, gaspiller de l’argent (par rapport aux missions de leur contrat de travail) avec l’aide de consultants extérieurs !
Beaucoup des grandes découvertes ont des origines comparables. Ainsi la théorie de la relativité est-elle due à Albert E, obscur employé de l’office des brevets de Berne, refusé par toutes les universités auxquelles il avait postulé. La découverte de la pénicilline est liée à une erreur de laboratoire, un expérience sur le développement de moisissures ayant contaminé par inadvertance une expérience sur des souches bactériennes. La radioactivité a également été découverte par hasard (http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Henri_Becquerel). Et les exemples ne sont pas limités à la recherche théorique ou fondamentale : l’invention du Post-It (http://fr.wikipedia.org/wiki/Post-it) relève le même logique. De la même façon l’un des centres de recherche les plus prolifique de l’histoire récente, Xerox Parc (http://en.wikipedia.org/wiki/Xerox_PARC), responsable entre autre de l’imprimante laser, des systèmes d’interface avec souris, fenêtres et menus, du langage orienté objet voir du langage html a-t-il également été un échec financier pour son financeur.
La société 3M, reconnue pour sa capacité d’innovation(http://management.journaldunet.com/dossiers/040640innovation/3m.shtml), a poussé se système jusqu’au bout en définissant sa politique d’innovation comme suit : mettre des moyens importants, favoriser l’échange et le maillage entre des équipes différentes, laisser les chercheurs consacrer 15 % de leur temps à leurs recherches personnelles, et favoriser et valoriser les carrières d’experts plutôt que de vouloir transformer d’excellents chercheurs en mauvais gestionnaires.
Bien sur, une nation ne se gère pas comme une entreprise : un état se doit par exemple d’être plus généreux sur les moyens (car il doit inclure le rendement public comme le rendement privé des innovations), moins élitiste (car il doit répondre à une base plus large que le cercle des actionnaires d’une entreprise). Il doit aussi concevoir un cadre plus large, qui permette à de former des étudiants et des chercheurs, de faire avancer la recherche publique, tout en stimulant la recherche privée et en libérant l’innovation.
Or ces trois répondent à des contraintes différentes. Ainsi, le processus de validation des publications scientifiques (http://bsalanie.blogs.com/economie_sans_tabou/2006/02/la_rpublique_de.html) fonctionne-t-il d’une façon qui favorise les innovation incrémentales de chercheurs « connus », et qui élimine les innovations radicales et freine les contributions de chercheurs moins connus. Ainsi les innovations les plus profondes sont-elles l’ennemi d’un contrôle de gestion borné et d’une mécanique administrative et centralisée ou élitiste.
Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille renoncer à toute politique. Par exemple en orientant davantage la formation vers la créativité, l’expérimentation et le travail en groupe qu’en en faisant un outil grotesque de sélection et de reproduction d’exercices scolaires. Par exemple en décentralisant et en réduisant le poids du mandarinat dans l’université et la recherche. Par exemple en favorisant les échanges et les confrontations entre le monde la recherche, de l’éducation ou de l’entreprise. Et surtout en évitant de se limiter au seul point de vue des grands groupes, des startups, des chercheurs, des professeurs ou innovateurs – mais en construisant un système que tienne compte de l’ensemble de leurs contraintes.
Bref une politique dans laquelle il ne suffit pas de donner plus à tous ou rien à personne, mais où il faut surtout faire des choix et jouer à la fois sur les moyens et sur les structures. C’est un chantier à moyen terme, malheureusement difficile à résumer dans un slogan électoral : pour 2007, reste donc à choisir celui où celle qui semblera présenter – individuellement ou dans un « ticket » avec d’autres personnalités - les meilleures prédisposition à analyser puis gérer ce sujet avec recul, méthode et intelligence.