En politique, les vraies différences ne se font pas sur les concepts, mais sur les moyens et la volonté. "Ce que tu veux, veux-le de telle manière que tu puisses en vouloir le retour éternel". Appliquons cette règle aux politiques de l'emploi : que faudrait-il refaire et ne pas refaire ?
Ce que nous ne referions pas, ce sont les dispositifs qui naissent en fanfare et meurent dans l'indifférence - le contrat de "transition professionnelle", par exemple, qui s'adresse aux manifestations les plus médiatiques du chômage (les licenciements économiques) plutôt qu'à ses causes profondes.
Ce que nous referions sont les "piliers" des politiques de l'emploi : les allégements du coût du travail ; les dispositifs d'accompagnement renforcé qui aident des chômeurs privés de repères à encadrer leur recherche ; les emplois aidés, créés "sur mesure" pour ceux qui ne peuvent accéder directement à un emploi "normal" (chômeurs de longue durée, handicapés...). Ces piliers sont nécessaires pour avoir une économie qui produise ce que le marché ne génère pas : une baisse des inégalités et une certaine solidarité nationale face au chômage. Ils reviennent donc, en ordre dispersé, à chaque législature. Ils sont parfois opposés, alors qu'il est possible de les intégrer dans une réforme qui attaquerait les causes profondes du chômage.
Pour vaincre le chômage, il faut trois choses.
D'abord, encadrer la démarche des demandeurs d'emploi. Leur tâche demande en effet des connaissances, et des initiatives qui dépassent en complexité le contenu de bien des emplois - faire un bilan sur soi-même, connaître le "marché" et ses évolutions, définir un objectif, se former... - et est difficile à mener seul.
Ensuite, la France a su transformer son industrie, s'ouvrir à l'international ou se doter d'un SMIC et d'assurances sociales financées par des cotisations. Ce sont de bons choix, mais ils ont condamné certains emplois sans créer des emplois de substitution. Pour cela, il aurait fallu solvabiliser des millions d'emplois, pour ramener leur coût au "niveau du marché" sans sacrifier le revenu de ceux qui les occupent. Certes, les allégements de cotisations ont ce but, mais ils sont ciblés grossièrement, sur des entreprises et des salariés définis par circulaires administratives !
Enfin, il faut coordonner notre réponse au chômage, aujourd'hui diluée entre entreprises, Unedic et Etat. Par ailleurs, l'Etat est compétent pour traiter un chômage dont les ravages se font sentir dans des communes démunies pour y faire face. Notre proposition part de ces constats, et du principe qu'une recherche d'emploi active est une activité socialement utile. Nous proposons ainsi un véritable statut de chercheur d'emploi : un "contrat d'évolution", un encadrement par un "coach", une formation et un "revenu d'évolution".
Pour que chacun évolue vers un emploi productif, il faut aller plus loin. Tout système social définit un "employeur de dernier ressort", pour ceux qui ne trouvent pas d'emploi. Dans la société de marché, cette responsabilité revient à l'individu. Au Japon, les sous-traitants de grands groupes jouent ce rôle. Nous proposons que cette mission soit confiée à une agence dans chacun de nos 350 bassins d'emploi, qui aurait autorité sur le service public de l'emploi, et contractualiserait avec les chômeurs. Elle pourrait déléguer cette responsabilité à des structures d'accompagnement vers l'emploi productif : entreprises partenaires, groupements d'employeurs, structures d'aide à la création d'activité, centres d'aide pour handicapés... Cette réforme remplacerait la moitié des dépenses actuelles pour l'emploi. Son surcoût, environ 2% du PIB, équivaut au coût des baisses d'impôt promises par l'actuelle majorité. Elle pose une question simple : la France veut-elle réduire son chômage et réduire ses impôts ensuite, ou risquer de n'avoir aucun des deux, faute d'avoir contenu ses déficits sociaux ?