dimanche, août 25, 2013

Libre-échange transatlantique : regardons les faits




Le projet de partenariat transatlantique va-t-il attenter, comme on le dit parfois, à notre modèle social ?
Notons d'abord que la suppression des droits de douanes entre l'Europe et les Etats-Unis ne peut pas avoir de telles conséquences. Les échanges concernés, entre pays au niveau de développement comparables, sont plus proches de ceux qui lient la France et l'Allemagne, que de ceux avec les pays à bas coûts ou pratiquant le dumping.

De plus, le mandat exclut d'ores et déjà le secteur audiovisuel, et l'article 8 indique que la négociation devra garantir "un haut niveau de protection de l'environnement, des travailleurs et des consommateurs, préservant l'acquis réglementaire des Etats membres".

Des études réalisées au Royaume-Uni, en Allemagne ou en France estiment que les gains de l'accord se traduiront par 0,2 % à 0,5 % de richesse supplémentaire à l'horizon d'une dizaine d'années - soit plus de 100 milliards d'euros de revenu annuel en Europe et plus de 100 000 emplois uniquement dans l'Hexagone.

SANS NAÏVETÉ ET SANS PARANOÏA

On peut discuter des modèles, mais il est difficile de contester qu'un tel accord entre une zone - l'Europe - qui sort tout juste de la récession (+ 0,3 % au deuxième trimestre) et un pays - les Etats-Unis - dont la croissance dépassera 2 % en 2013, va dynamiser les débouchés de nos entreprises. Pour un cycliste qui veut accélérer, sans dopage, il n'y a rien de plus efficace que d'être à l'aspiration d'un coureur plus rapide. Or, du seul fait de leur démographie, les Etats-Unis auront à terme 0,5 point de croissance de plus que le Vieux Continent.
Mais interrogeons-nous aussi sur le fond de l'accord. Il s'agit non seulement de réduire les droits de douanes - par exemple sur les produits français importés aux Etats-Unis - mais aussi de simplifier les règles commerciales, notamment grâce à la "convergence des normes".
Aujourd'hui en effet, vendre un réfrigérateur aux Etats-Unis ou en Europe impose aux fabricants des longueurs de câbles électriques différentes. Ceux qui ont en mémoire les avantages apportés par un standard unique de chargeurs de téléphone apprécieront.
Plus généralement, cet accord donnera aux entreprises du Vieux Continent un accès simplifié à un marché représentant 40 % du commerce mondial. Les PME européennes en seront les principales bénéficiaires. Elles pourront accéder au marché américain aussi facilement qu'elles accèdent à leur marché intérieur.
Dans ce cadre, la négociation qui se présente doit être abordée sans naïveté et sans paranoïa. Assurément, les Etats-Unis souhaiteront écarter certains points lors de ces pourparlers ; l'Europe le fera aussi. La France a d'ailleurs déjà précisé sa position sur l'audiovisuel.

LA PRÉFÉRENCE NATIONALE ÉCONOMIQUE, UNE MAUVAISE RÉPONSE

C'est pourquoi, ceux qui agitent le spectre des poulets décontaminés au chlore, de la viande aux hormones ou de l'invasion des organismes génétiquement modifiés ont mal lu la lettre - préservation de l'acquis - du mandat. Ils ont aussi oublié que le texte final ne pourra être appliqué qu'après un vote du Parlement européen : rien ne sera décidé qui ne soit validé démocratiquement.
A l'heure où les Français souffrent de la hausse du chômage et pâtissent de perspectives peu encourageantes dues à une croissance faible, la tentation est grande de jouer la carte de la préférence nationale sociale, c'est-à-dire le refus de l'étranger, et la recherche de boucs émissaires.
La préférence nationale économique, c'est-à-dire le refus d'échanger, est une mauvaise réponse à de vraies questions. Le projet de partenariat transatlantique ne va pas résoudre tous nos problèmes, mais il y a là une belle occasion de soutenir notre modèle social, si l'accord est associé à de réels garde-fous. Tous ces éléments doivent évidemment faire l'objet d'un débat. Mais il serait préférable qu'il soit éclairé par des faits plus que par des préjugés.